Espérance de Rédemption et couronnement de gloire

 

Jour du Sauveur du monde; 6 aoĂ»t 1978; Lectures : Daniel 7,9-10.13-14; II Pierre 1,16-19; Matthieu 17,1-9.

 

En Toi, Seigneur, nous rencontrons le vĂ©ritable sens de notre vie, Tu es la leçon de notre histoire, Tu es la Parole par laquelle Dieu crĂ©a les choses et racheta le monde qui Ă©tait soumis Ă  l’esclavage. Il y a une parole dans la liturgie d’aujourd’hui (Mt 17,1-9) qui nous donne la clĂ© pour comprendre ce mystère du Christ. ClĂ© de l’histoire, de la nature et de nos espĂ©rances, la parole est celle-ci : Le Fils de l’Homme.

 

Quand se termine la vision, le Christ dit aux apĂ´tres : « Ne dites rien de ce que vous avez vu jusqu’à ce que le Fils de l’Homme ressuscite d’entre les morts. Â» Et la première lecture (Dn 7,9-10; 13-14) nous donne l’explication de cette parole mystĂ©rieuse. En commentant aujourd’hui cette Parole de Dieu, pour la plus belle des fĂŞtes de notre patrie, nous dĂ©couvrons frères dans le Fils de l’homme et dans la splendeur de sa gloire, la lumière qui illumine le peuple qui est en pèlerinage sur cette terre et nous entendons alors, avec toute la logique de Dieu qui connaĂ®t mieux que nous qui est ce transfigurĂ©. L’impĂ©ratif que doit porter chacun de nous comme un message de la transfiguration (Mt 17,5) : « Celui-ci est mon Fils bien-aimĂ©, Ă©coutez-le. Â» La première chose que j’aimerais vous expliquer est la signification de ce Fils de l’Homme dans la plĂ©nitude de sa gloire. C’est une parole et, prĂ©cisĂ©ment, la lecture de Daniel qui a Ă©tĂ© proclamĂ©e aujourd’hui nous dit qu’elle fut Ă  l’origine de l’expression que le Christ emploie pour se qualifier lui-mĂŞme Ă  plusieurs reprises dans l’Évangile : le Fils de l’Homme. En premier lieu, cette expression possède un sens individuel, il n’y avait rien d’étrange en hĂ©breu de dire : Viens Adam, fils de l’humanitĂ©, Fils d’Adam, fils de la nature humaine, mais la Bible ajoute – Ă  ce sens que tout homme peut se nommer lui-mĂŞme, fils de l’humanitĂ©, fils de l’homme – un sens d’éminence. Fils de l’Homme, Dieu nomme le prophète qui parle ici.

 

Le Fils de l’Homme est un homme Ă©minent, un homme mystĂ©rieusement singulier, c’est pourquoi il porte avec lui un sens collectif que le prophète Daniel explique merveilleusement dans la lecture d’aujourd’hui : le peuple des saints du Très-Haut est ce panorama eschatologique d’un jugement oĂą se prĂ©parent de nombreuses places oĂą vont s’asseoir les fils de la saintetĂ© du Très-Haut et du Fils de l’Homme qui vient parmi les nuĂ©es, une seule cause : Le Peuple des Ă©lus. Le Fils de Dieu entourĂ© d’hommes qui ont Ă©tĂ© dociles Ă  son enseignement. La saintetĂ© qui sera couronnĂ©e et selon laquelle Dieu jugera l’histoire.

 

Le Christ annonce aussi que ceux qui le suivent s’assoiront Ă  l’endroit des tribus d’IsraĂ«l pour juger les habitants de ces tribus et tous les habitants du monde. Le Fils de l’Homme possède alors un sens de collectivitĂ©, c’est le Christ tĂŞte, modèle exemplaire de toute une race de rachetĂ©s. C’est le Christ avec son peuple sauvĂ©. C’est pourquoi, cette expression du Fils de l’Homme, autant dans son sens individuel que collectif, possède une profonde signification messianique. Le Christ emploie cette expression lorsqu’Il parle de sa gloire, face au tribunal des prĂŞtres Il annonce qu’ils verront le Fils de l’Homme descendre parmi les nuĂ©es revĂŞtu de la majestĂ© de Dieu. Et une autre fois, Il dit : vous verrez le Fils de l’Homme humiliĂ©, comme le serviteur de YahvĂ©, sur lequel Dieu dĂ©posa les pĂ©chĂ©s de l’humanitĂ© pour racheter ce peuple. C’est un peuple humiliĂ©, c’est un peuple glorifiĂ© qui s’identifie Ă  sa tĂŞte : le Christ, de sorte que nous pouvons dire que le Christ est le Fils de l’homme et tout le christianisme avec Lui Ă  sa tĂŞte.

 

EspĂ©rance de RĂ©demption et couronnement de gloire, tout cela signifie ce matin notre divin transfigurĂ©. Quand sur le sommet du mont Thabor se prĂ©sente le Fils de l’Homme, Il nous donne l’éclair de cette nuit de prière : l’espĂ©rance, le dĂ©sir ardent de fĂ©licitĂ©, d’allĂ©gresse, de Salut que le peuple porte en son cĹ“ur. […]

C’est pourquoi la seconde lecture (II P 1,16-19) correspond Ă  ma deuxième rĂ©flexion : Le Fils de l’Homme, lumière du peuple qui est en pèlerinage sur la terre. Ainsi, je me rĂ©jouis de voir maintenant ce peuple, provenant de toutes les communautĂ©s de l’archidiocèse et mĂŞme d’au-delĂ  de ses limites, venu pour baigner son espĂ©rance, sa foi, dans la lumière du Christ. Il semble que saint Pierre a Ă©crit pour nous les Salvadoriens, cette merveilleuse Ă©pĂ®tre de laquelle nous avons extrait cette parole d’exhortation : demeurons fidèles Ă  l’enseignement qui nous a Ă©tĂ© donnĂ©, nous appuyant sur la gloire du Christ et sur le tĂ©moignage vivant des apĂ´tres qui virent de leurs propres yeux la majestĂ© du RĂ©dempteur qui vient confirmer le tĂ©moignage des prophètes. LĂ , nous avons tout l’Ancien Testament avec MoĂŻse et Élie, et tout le Nouveau Testament avec Pierre, Jacques et Jean faisant face aux fables ingĂ©nues, aux doctrines des hommes, aux fausses rĂ©demptions que les hommes promettent, pour qu’ils croient en Lui. Cette foi, dit saint Pierre, est comme une lampe allumĂ©e dans la nuit : elle Ă©claire les tĂ©nèbres jusqu’à se lève l’astre du matin (cf. II P 1,19).

 

C’est la nuit de notre histoire, c’est le chemin de notre temps, ce sont des heures difficiles comme celles que vit notre patrie, qui paraît semblable à une nuit obscure alors que le soleil de la Transfiguration se fait lumière et espérance chez le peuple chrétien, soleil qui éclaire notre chemin. Continuons d’y être fidèles!

 

C’est pourquoi l’Église qui se sent ainsi : Lumière de Dieu, lumière qui provient du visage illuminĂ© du Christ pour Ă©clairer la vie des hommes, la vie des peuples, les complications et les problèmes que les humains crĂ©ent dans leur histoire. L’Église ressent l’obligation de parler, d’éclairer comme la lampe dans la nuit, elle sent le besoin d’éclairer les tĂ©nèbres. C’est pourquoi je veux vous annoncer en ce contexte glorieux du 6 aoĂ»t 1978 oĂą nous allons distribuer, comme l’annĂ©e dernière Ă  pareille date, une lettre pastorale dans laquelle nous traitons des problèmes de notre peuple : les organisations populaires et le problème, pour ne pas dire la tentation, de la violence. […]

 

Dans cette lettre pastorale nous prĂ©sentons ces deux problèmes et nous donnons en annexe de nombreuses règles doctrinales sur les Saintes Écritures et sur le Magistère des Papes qui illuminent et qui donnent matière Ă  rĂ©flexion pour que nous continuions de rĂ©flĂ©chir sur ces rĂ©alitĂ©s. Le point central de cette Pastorale est de prĂ©senter l’identitĂ© et la finalitĂ© de l’Église : l’évangĂ©lisation. […]

 

L’Église est une lampe qui éclaire et qui doit pour cela s’immerger dans ces réalités pour pouvoir éclairer l’homme qui chemine sur cette terre. À partir de cette compétence qui est la sienne – et cela n’est pas sortir de son domaine, mais accomplir son difficile devoir d’éclairer les réalités –, l’Église défend le droit d’association et elle fait la promotion de l’action dynamique de la conscientisation et de l’organisation des secteurs populaires pour obtenir la paix et la justice. L’Église à partir de l’Évangile, appuie les justes objectifs que poursuivent les organisations et elle dénonce également les injustices et les violences que peuvent commettre ces mêmes organisations. C’est pourquoi l’Église ne peut s’identifier avec aucune organisation, même avec celles qui se disent et se sentent chrétiennes. L’Église n’est pas une organisation, ni l’organisation est l’Église.

 

Si dans un chrétien ont grandi les dimensions de la foi et de la vocation politique, on ne peut identifier sans plus, les tâches de la foi à une tâche politique déterminée, ni encore moins l’on ne peut identifier l’Église à une organisation. On ne peut affirmer que seulement à l’intérieur d’une organisation déterminée peut se développer l’exigence chrétienne de la foi. Ce ne sont pas tous les chrétiens qui possèdent une vocation politique, ni la cause politique n’est la seule qui comporte une tâche de justice. Il existe d’autres moyens de traduire la foi dans un travail de justice au service du bien commun.

 

On ne peut pas exiger de l’Église ou des symboles ecclésiaux qu’ils se convertissent en mécanismes d’activité politiques. Pour être un bon politicien, il n’est pas nécessaire d’être chrétien, mais le chrétien qui s’engage dans des activités politiques a l’obligation de confesser sa foi en Jésus-Christ, et d’employer les méthodes qui sont en accord avec sa foi. Et si en cela surgit un conflit entre la loyauté à sa foi et la loyauté à son organisation, le chrétien véritable doit préférer et démontrer que sa lutte pour la justice est pour la justice du Règne de Dieu et non pour une autre justice.

 

Il est naturel qu’en travaillant pour une évangélisation incarnée dans la réalité du pays que les prêtres et les laïcs appelés à une collaboration hiérarchique de l’Église, sentent davantage de sympathie pour un parti ou pour une organisation que pour une autre. Mais ils doivent savoir que l’efficacité de la mission de l’Église dépend de leur fidélité à sa propre identité, ils auront comme premier but de leur travail pastoral, d’être des animateurs, des orienteurs dans la foi et dans la justice et ils laisseront les tâches concrètes qui proviennent de l’activité politique ordinaire, à ceux qui sont davantage qualifiés dans l’analyse et la conduite de ces problèmes spécifiques.

 

En traitant le problème de la violence, il est triste de prĂ©senter le spectacle qu’aujourd’hui nous offrons au Divin Sauveur du Monde. Un contexte sanglant, de dĂ©solation, d’angoisse, et pour cela nous rĂ©affirmons devant le Divin Sauveur du monde et Ă  la face de la patrie avec toute la force de notre foi, que nous croyons dans la fĂ©conditĂ© de la paix qui est notre idĂ©al chrĂ©tien : non Ă  la violence, oui Ă  la paix. Mais en mĂŞme temps nous analysons, avec la morale traditionnelle de l’Église, le problème de la violence. Ce n’est pas si simple, il y a tant de nuances qui distinguent la violence institutionnalisĂ©e : celle qui est dĂ©jĂ  devenue le mode de vivre l’oppression pour la majoritĂ©. L’on parle Ă©galement de la violence rĂ©pressive de l’État qui maintient par la force des armes une paix qui n’est pas vĂ©ritable. On parle aussi de la violence rĂ©volutionnaire : celle que le Pape nomme « les tentations de la subversion. Â» C’est lorsqu’un peuple opprimĂ© tente de se soulever pour atteindre cette libertĂ© Ă  laquelle il est appelĂ©. Il existe aussi la violence spontanĂ©e : quand survient un outrage Ă  la justice dans une institution, dans une manufacture, spontanĂ©ment, ce que les hommes portent en eux d’agressivitĂ©, surgit dans une violence qui n’est pas organisĂ©e, qui rĂ©pond spontanĂ©ment Ă  une circonstance. Et finalement, il y a une violence qu’on qualifie de lĂ©gitime dĂ©fense, lorsqu’un innocent est outragĂ© et qu’il se doit de dĂ©fendre sa vie et ses biens.

 

Nous donnons un jugement moral sur ces diverses classes de violence et nous faisons une analyse de la situation du pays. Analysant les causes de tant de violences dans ce contexte de désolation et de mort, nous disons que ce sont les mêmes causes que celle de la misère actuelle. L’intransigeance des uns, la répression violente, aggrave ce conflit. Cela peut justifier une autre violence et cela est très dangereux. Tant que l’on n’enlèvera pas les racines d’où provient la violence, même injuste, est injuste également sa racine et nous avons l’obligation de travailler pour établir des racines d’où puisse naître la paix.

 

La paix doit être l’œuvre de la justice. Nous répudions une violence organisée qui s’apparente à une certaine mystique de guérilla ou de terrorisme qui divinise la violence comme source unique de justice. Cela fait croître davantage la spirale de la violence. Cela ne peut être la solution à nos problèmes. Nous exhortons les gens à utiliser leur potentiel d’agressivité que Dieu leur a donné, pour travailler à la justice et à la paix.

 

Il est curieux, frères, qu’en ce matin de la Transfiguration, nous regardions les personnages qui entourent le Christ, ce sont tous des personnages violents : MoĂŻse tua un Égyptien quand il vit son peuple opprimĂ© en Égypte; Élie Ă©gorgea les faux prophètes, ceux qui maltraitaient la dignitĂ© du Dieu vĂ©ritable; Pierre dĂ©gaina son Ă©pĂ©e lorsqu’on voulut arrĂŞter le Christ au jardin de GethsĂ©mani; Jacques et Jean furent appelĂ©s par le Christ lui-mĂŞme d’hommes impĂ©tueux parce qu’un jour ils souhaitèrent qu’il pleuve du feu sur un village, parce qu’il ne voulut pas recevoir le Christ et ses disciples. Ici, nous les voyons avec toutes leurs capacitĂ©s de violence, avec toute leur agressivitĂ©, mais dociles au Christ. L’agressivitĂ© des ĂŞtres humains est un instinct que Dieu leur a donnĂ©, mais s’ils ne savent pas l’éclairer… Le Christ ne mutile pas les forces de l’homme, mais les oriente pour la force chrĂ©tienne. Et l’Église fait Ă©galement cet appel quand elle dit : « Le chrĂ©tien est pacifique, ne rougissez pas de cela, il n’est pas un simple pacifiste parce qu’il est capable de combattre, mais il prĂ©fère la paix Ă  la guerre. Il sait que les changements brusques et violents des structures sont trompeurs, inefficaces, fragiles et non conformes Ă  la dignitĂ© du peuple. Â»

 

C’est pourquoi nous exhortons, dans notre Pastorale, les forces qui s’organisent, à une lutte honorable avec de légitimes moyens de pression. À ne jamais mettre leur confiance dans la violence, à ne jamais laisser s’envenimer leurs justes réclamations par des idéologies de violence. L’Église est une lampe dans la nuit, qui illumine non seulement les problèmes sociaux actuels, mais qui éclaire également l’intimité morale des couples, l’intimité morale d’où provient la source de la vie. L’Église est contre l’avortement, elle est contre les immoralités, contre le vice, contre ce qui constitue les ténèbres et conduit l’homme vers des chemins de perdition. Cette lampe du Christ Transfigurée veut transfigurer notre peuple.

 

C’est pourquoi je termine en vous rappelant l’impĂ©ratif de Dieu ce matin : « Ipsum audite Â», Ă©coutez-le. Lui qui prĂŞcha Ă©galement la violence, mais la violence de la RĂ©demption, Celui qui fit de son corps la victime de la violence pour payer les pĂ©chĂ©s de tous les crimes et de tous les pĂ©chĂ©s des hommes. Ce Christ est celui qui nous parle ce matin et je voudrais interprĂ©ter vos lèvres – fermĂ©es et attentives en cet instant – comme une prière qui s’élève vers le Christ TransfigurĂ© pour lui dire : Seigneur, regarde le triste contexte de notre patrie que nous t’offrons. Retourne-Toi mystĂ©rieux Sauveur et cette espĂ©rance qu’en Toi nous mettons, nous rendra la paix que nous avons perdue parce qu’il n’y a pas de justice en ce pays.

C’est pour cela aussi que le Christ se retourne et je me risque Ă  interprĂ©ter sa parole de ce matin : en premier lieu le peuple, celui qui souffre, celui qui porte la croix d’une tribulation pour lui dire : fais-moi digne de l’amour de Dieu. Ce n’est pas simplement pour se faire pauvre que l’Église est avec les pauvres, c’est parce qu’elle doit Ă©galement rĂ©clamer du pauvre lorsqu’il revendique pour ses droits et oublie ses devoirs. C’est que le pauvre doit se promouvoir Ă©galement, il doit s’instruire et se surpasser. C’est que la pauvretĂ© ne consiste pas seulement Ă  ne rien possĂ©der, mais Ă©galement Ă  ĂŞtre disposĂ© Ă  tout recevoir de Dieu. Cela veut dire aussi Ă  ceux qui vivent dans l’abondance, d’apprendre Ă  partager, notre divin RĂ©dempteur, en ce matin qui anticipe le matin du jugement final, nous offre encore cette opportunitĂ© : tout ce que vous avez fait pour eux, c’est Ă  moi que vous l’aurez fait. Ce n’est pas l’aumĂ´ne qui est demandĂ©e, c’est la justice qu’Il rĂ©clame.

 

À tous ceux qui sont parvenus à un degré de direction dans le peuple, professionnels ou par leurs capacités d’organisation, possèdent des postes clés, à tous ceux que nous pouvons appeler dirigeants, même s’il s’agit d’un secteur modeste, nous leur disons, frères, au nom du Christ, aidez à éclairer la réalité, recherchez des solutions, ne fuyez pas devant votre vocation de dirigeant. Sachez que ce que vous avez reçu de Dieu ce n’est pas pour le cacher dans les commodités d’une famille, d’un bien-être. La patrie a surtout besoin de votre intelligence. Des partis politiques, des organisations corporatives, coopératives ou populaires, le Seigneur veut leur inspirer la mystique de sa divine Transfiguration pour transfigurer aussi, à partir des forces organisées, non pas avec des méthodes ou des mystiques des violences inefficaces, mais avec une libération authentique.

 

Tenez compte de ce spectacle de ce matin : un peuple qui croit, un peuple qui espère en Dieu. Ne sous-estimons pas ce sens religieux de notre peuple, n’importons pas de forces Ă©trangères oĂą l’on ne connaĂ®t pas de merveilles comme celles du Salvador. Savons rencontrer dans l’âme de notre propre peuple la force que le Christ lui donne pour sa propre libĂ©ration. Ă€ ceux qui portent sur leurs mains ou dans leur conscience le poids du sang, de l’outrage des victimes innocentes ou coupables, mais toujours victimes dans leur dignitĂ© d’hommes, Il leur dit : convertissez-vous! Vous ne pouvez pas rencontrer le Christ par ces chemins de tortures et d’outrages. Dieu se rencontre sur les chemins de la justice, de la conversion et de la vĂ©ritĂ©.

 

Et à ceux qui ont reçu la terrible charge de gouverner, au nom du Christ je vous rappelle l’urgence de trouver des solutions et des lois justes devant cette majorité qui vit des problèmes vitaux de subsistance, de terre, de salaire. Le bien pour tous, le bien commun, doit être l’impulsion comme la charité pour le chrétien. Tenez compte de droit de participation que tout le monde désire parce que chacun peut apporter quelque chose au bien commun de la patrie et c’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui plus que jamais. Une autorité forte, mais non pas pour unir mécaniquement ou despotiquement, sinon comme une force morale basée sur la liberté et sur la responsabilité de tous, pour que toutes ces forces puissent converger, malgré le pluralisme des opinions et jusque dans les oppositions, au bien-être de la patrie. Donnez l’opportunité au peuple de s’organiser, abolissez les lois injustes, amnistiez ceux qui ont transgressé ces lois contraires au bien commun, cessez d’intimider le peuple, principalement dans les campagnes, libérez ou faites comparaître devant les tribunaux ceux qui ont disparu ou qui sont détenus injustement, permettez le retour au pays de ceux qui sont exilés et qui ne peuvent revenir pour des motifs politiques.

 

Et finalement, frères, la voix du Christ se fait plus intime pour ceux qui forment son Église. J’ai bien fait la distinction, le peuple de Dieu qui un jour doit devenir le peuple des saints dans l’au-delà ne s’identifie pas au peuple profane auquel l’Église vient en aide. C’est un peuple plus intime du Christ, qui constitue presque le vêtement du Christ. Ce sont ses évêques, ses prêtres, ses religieux, ses catéchistes, les communautés qui s’alimentent de la Parole de Dieu et qui tentent de suivre intimement le Seigneur. Pour nous plus que tout autre, la Parole du Christ est un impératif pour que nous soyons véritablement l’Église qui éclaire comme une lampe dans la nuit.

L’Église qui ne se confond pas avec ces autres lumières, pour pouvoir donner cette pure lumière du Christ, une Église où transparaît le Christ Transfiguré. Un mot, chers frères, Salvadoriens ou étrangers, nous sommes tous le peuple de Dieu. Formons, au milieu du peuple salvadorien, un peuple de Dieu qui soit vraiment l’Église du Divin Sauveur. 06/08/78, p.107-114, V.