Christ, le pain vivant qui donne vie au monde

 

Corpus Christie, 28 mai 1978, Lecture : DeutĂ©ronome 8,2-3.14b-16a; I Corinthiens 10,16-17; Jean 6,51-59.

 

L’Eucharistie

Qu’est-ce que l’Eucharistie? C’est le sacrement ou le mystère de la prĂ©sence du Christ sous les apparences du pain et du vin. Un sacrement est un signe sensible qui peut tomber sous le domaine de nos sens, comme c’est le cas pour ce pain et ce vin que nous palpons, que nous savourons. Nos sens captent la rĂ©alitĂ© d’un signe, mais aussitĂ´t vient la foi qui dĂ©couvre l’élĂ©ment intĂ©rieur, ce qui est signifiĂ© par ce signe. Ainsi comme lorsque nous apercevons de la fumĂ©e derrière un mur, nous ne voyons que la fumĂ©e, c’est le signe, mais nos connaissances nous disent : lĂ , il y a du feu, il y a quelque chose qui brĂ»le. La rĂ©alitĂ© est le feu, le signe c’est la fumĂ©e; il en est de mĂŞme pour le pain et vin. Le goĂ»ter, l’ouĂŻe, les sens, dit saint Thomas, perçoivent la saveur du pain et du vin, mais ta foi croit fermement que dans cette saveur du pain et du vin n’est plus prĂ©sent ce que les philosophes appellent la substance, c’est-Ă -dire ce qui a donnĂ© substance Ă  ce pain, Ă  ce vin, seul sont demeurĂ©es les choses accidentelles, mais leur substance s’est transformĂ©e en la prĂ©sence vĂ©ritable du Seigneur, le corps et le sang du Seigneur, ce sont les rĂ©alitĂ©s occultes qui sont prĂ©sentes dans ce signe visible.

 

C’est pour cela que lorsque le prêtre consacre le corps et le sang du Seigneur, se réalise ce que la théologie appelle la transsubstantiation du pain et du vin, à sa place, s’y est substitué, la présence réelle du Christ. Ce dernier demeure véritablement réel, substantiellement présent dans cette hostie qui continue d’avoir la saveur du pain, dans ce calice qui continue d’avoir la saveur du vin, mais que l’on ne traite déjà plus comme du pain et du vin parce qu’y est déjà présent le Seigneur. C’est cela le mystère que nous célébrons aujourd’hui.

Puisse Dieu que ces réflexions faites à la lumière de la Parole de Dieu, notre foi dans l’Eucharistie croisse ce matin et que notre assistance à la messe ne soit pas simplement un acte routinier. Ne venez pas par coutume, ne venez pas par curiosité, mais venez, véritablement attirés par cette rencontre avec le grand mystère de la Présence du Seigneur. De sorte que, lorsque nous sortons de l’Église, puissions-nous être comme Moïse lorsqu’il descendit du mont Sinaï, son visage apparaissait transformé et lumineux parce qu’il avait été en la présence du Seigneur.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Les interventions de Dieu pendant le pèlerinage au désert, préfigurent l’Eucharistie

2) La Préfiguration eucharistique de l’Ancien Testament se réalise pleinement en Jésus-Christ, présent dans l’hostie

3) L’Eucharistie, aliment et force de cohésion de la communauté

 

 

1) Les interventions de Dieu pendant le pèlerinage au désert, préfigurent l’Eucharistie

 

En premier lieu, le chapitre 8 du DeutĂ©ronome, d’oĂą est tirĂ©e la première lecture (8,2-3. 14b-16a), est un moment solennel dans l’histoire de l’Exode. MoĂŻse, après avoir fait cette alliance entre Dieu et son peuple, lĂ  sur le mont Horeb, fut quarante ans en pèlerinage dans le dĂ©sert. Après cette pĂ©riode, MoĂŻse se retrouve sur une autre montagne : le Moab. Et depuis cet endroit, MoĂŻse rappelle Ă  son peuple les tentations, les difficultĂ©s qu’ils ont traversĂ©es pendant quarante ans et regardant vers le futur, au moment d’entrer dans la terre promise, il les exhorte Ă  demeurer fidèles Ă  ce Dieu qui les a accompagnĂ©s.

 

C’est le moment solennel où Moïse se souvient du long chemin parcouru depuis l’Exode et regarde vers l’avenir d’Israël. C’est là que se manifestent dans cette Nouvelle Alliance de l’Ancien Testament le souvenir des tentations et les raisons pour lesquelles Dieu a tenté le peuple, et finalement, les interventions de Dieu en faveur de ce peuple.

 

A) Les tentations

MoĂŻse leur rappelle comment ils sont sortis de l’esclavage. Ils Ă©taient esclaves du Pharaon. C’était un peuple soumis aux humiliations et ce peuple soumis Ă  l’esclavage est libĂ©rĂ© par MoĂŻse grâce Ă  l’intervention divine. Les huit plaies d’Égypte se produisirent pour convaincre le Pharaon, ainsi sont les tyrans, il est difficile de les convaincre. Après le châtiment suprĂŞme de la mort des premiers-nĂ©s d’Égypte, le peuple peut partir et entreprendre ce difficile pèlerinage. MoĂŻse rappelle au peuple ce que Dieu a fait pour eux : « Souvenez-vous lorsque vous avez eu faim et que vous avez blasphĂ©mĂ©, soupirant après les oignons d’Égypte. Â» Comme si l’esclavage leur apparaissait meilleur. Comme il fut difficile pour MoĂŻse de convaincre ce peuple qui va, prĂ©cisĂ©ment, vers sa libĂ©ration, mais auquel il coĂ»te de souffrir les conditions de cette libĂ©ration.

 

Souvenez-vous Ă©galement, leur dit MoĂŻse de la soif que vous avez ressentie et comment Dieu lui-mĂŞme vous a soumis Ă  l’épreuve lorsque vous avez blasphĂ©mĂ© contre Lui. « Pourquoi nous a-t-on fait sortir d’Égypte? Pour que nous mourions de soif au dĂ©sert? Â» Et il leur rappelle Ă©galement le dur dĂ©sert par lequel ils ont passĂ© : (Dt 8, 15) « pays des serpents brĂ»lants, des scorpions et de la soif. Â» Combien difficile a Ă©tĂ© tout cela, ce sont les tentations, les difficultĂ©s du pèlerinage.

 

 

Pourquoi Dieu permet-il cela?

 

Et MoĂŻse donne une raison Ă  ces pèlerins qui sont passĂ©s par ces tribulations. (Dt 8,2) : « Souviens-toi de tout le chemin que YahvĂ© ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le dĂ©sert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaĂ®tre le fond de ton cĹ“ur : allais-tu ou non garder ses commandements? Â» Frères, n’oublions pas cette parole d’aujourd’hui, c’est la rĂ©ponse Ă  plusieurs non-conformitĂ©s, aux situations difficiles de l’Histoire. Comme MoĂŻse nous nous demandons lorsque nous vivons des tribulations dans la sociĂ©tĂ©, quand nous nous retrouvons comme en ces jours dans une impasse. Pourquoi Dieu permet-il cela? Et MoĂŻse rappelle au peuple : pour t’affliger, pour te mettre Ă  l’épreuve, pour connaĂ®tre tes intentions. Ce sont les difficultĂ©s, les pierres d’assise oĂą se distingue l’or fin des hommes vĂ©ritables, de vĂ©ritables chrĂ©tiens. Ainsi, comme c’est Ă©galement dans ces circonstances, lorsque les hommes blasphèment, lorsque les hommes critiquent Dieu et son Règne, parlent contre MoĂŻse qui les guide et quand ils prĂ©fèrent vivre dans leurs commoditĂ©s, mĂŞme si c’est comme esclaves.

 

Comme il nous en coĂ»te de comprendre que les Ă©preuves de Dieu, les difficultĂ©s du chemin, sont les monnaies d’échange qui nous permettent d’accĂ©der Ă  la libertĂ©, la dignitĂ©, l’allĂ©gresse d’être libre. (Dt 8,5) : « Comprends donc que YahvĂ© ton Dieu te corrige comme un père corrige son enfant. Garde les commandements de YahvĂ© ton Dieu pour marcher dans ses voies et pour le craindre. Â» MoĂŻse leur rappelle comment YahvĂ© les fit sortir d’Égypte. C’est une rĂ©alitĂ©, nous sommes dĂ©jĂ  sortis de cet esclavage et comme lorsque, dans le dĂ©sert, nous souffrions l’angoisse de la solitude, de l’intempĂ©rie, la faim, la soif, Dieu Ă©tait avec nous.

 

 

B) Présence de Dieu sous les signes sacramentaux

 

C’est ici qu’apparaissent les prĂ©cieux signes sacramentaux. Voyez comment s’ébauche dĂ©jĂ  la prĂ©sence de Dieu sous les signes sacramentaux. MoĂŻse en mentionne quatre : le premier est la nuĂ©e qui les dĂ©fendait du soleil. L’Exode nous dit qu’une nuĂ©e dans laquelle Dieu allait rafraĂ®chissait les ardeurs de ce soleil du dĂ©sert.

MoĂŻse leur rappelle que lorsqu’ils eurent faim, ils s’éveillèrent en dĂ©couvrant près de leur campement une chose mystĂ©rieuse qui leur fit se demander en hĂ©breu « Manu? Â», qui signifie « Qu’est-ce que cela? Â». La manne est une interrogation, un aliment mystĂ©rieux que Dieu nous envoya pour rassasier notre faim. La manne est un signe sacramentel.

 

« Et quand nous mourrions de soif, Dieu m’ordonna de frapper cette pierre mystĂ©rieuse d’oĂą jaillit l’eau avec laquelle vous avez apaisĂ© votre soif et celle de votre bĂ©tail. Â» Selon une lĂ©gende des rabbins, cette pierre accompagnait toujours ce peuple de pèlerins, et chaque fois qu’il avait soif, MoĂŻse frappait le rocher d’oĂą s’écoulait cette eau. C’était Ă©galement un signe sacramentel de la prĂ©sence de Dieu au milieu du peuple.

 

L’autre signe est la mer. La mer s’ouvre de part en part pour laisser passer le peuple qui s’enfuit de l’esclavage, alors qu’elle se referme pour engloutir l’armĂ©e du pharaon tandis que MoĂŻse chante de l’autre cĂ´tĂ©. « Chantons pour le Seigneur qui a fait des merveilles, qui a libĂ©rĂ© son peuple! Â»

 

Ce sont les signes sacramentaux. Ce qui importe pour la Bible ce n’est ni la nuĂ©e, ni la manne, ni la mer, ni le rocher, ce qui importe c’est quelque chose de plus grand : la PrĂ©sence de Dieu. Et c’est pourquoi le DeutĂ©ronome emploie les mĂŞmes paroles que le Christ cite lors des tentations au dĂ©sert (8,3) : « Pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais qu’il vit de tout ce qui sort de la bouche de YahvĂ©. Â» Ce texte est un classique de la Bible, si classique que s’y exprime toute la thĂ©ologie de la Parole de Dieu. Quand le lecteur Ă  l’ambon lit la Bible, il termine en disant : « Ceci est la Parole de Dieu. Â» En narrant la protection de Dieu devant la famine qui guettait les IsraĂ©lites, lorsqu’Il fit pleuvoir la manne, ce pain mystĂ©rieux, MoĂŻse dit Ă  cet endroit : « L’homme ne vit pas seulement de pain. Â» Non seulement de nourriture d’Égypte, non seulement des aliments que nous recueillons avec nos mains, Dieu a une parole crĂ©atrice, une parole qui fait jaillir du pain et qui pourrait convertir en pain les pierres du dĂ©sert. Une parole toute puissante, une parole qui, lorsqu’elle se fait personne divine, est le Fils de Dieu, le Verbe, la Parole qui s’incarne dans la personne de JĂ©sus-Christ. C’est cela qui importe, que ces sacrements contiennent la Parole omnipotente de Dieu. 28/05/78, p.265-267, IV.

 

 

2) La Préfiguration eucharistique de l’Ancien Testament se réalise pleinement en Jésus-Christ, présent dans l’hostie

 

C’est pourquoi la seconde pensĂ©e extraite de la seconde lecture, la première Ă©pĂ®tre de saint Paul aux Corinthiens (10, 16-17), tente d’expliquer ce que MoĂŻse prĂŞchait Ă  IsraĂ«l. Mais ce dernier ne connaissait le Christ que comme une promesse, Paul non plus ne connut pas personnellement le Christ qu’il persĂ©cuta; mais, grâce Ă  sa conversion, il eut accès au Christ. Et, dans cette prĂ©cieuse Ă©pĂ®tre aux Corinthiens, il dit : Je vais vous raconter ce que j’ai reçu de ceux qui connurent la chance de manger, de boire et de converser avec Lui : qu’Il inventa lui-mĂŞme ce sacrement, du pain qui se convertit en son corps et du vin qui se convertit en son sang. Et tout ce qui se produisit avec MoĂŻse et son peuple lorsqu’ils traversaient le dĂ©sert. Cela se produisait comme une image, comme une annonce, une prophĂ©tie, une promesse. Maintenant, par contre, nous les chrĂ©tiens connaissons l’accomplissement de cette promesse.

 

 

Enseignement paulinien sur la célébration eucharistique

 

C’est ici que saint Paul nous enseigne, surtout dans ces deux signes du dĂ©sert : la pierre qui fait jaillir l’eau de Dieu et la faim qui permet de rassasier avec la manne, ce sont lĂ  les deux signes qui prĂ©figurent ce grand sacrement qu’est l’Eucharistie, dans le pain et le vin de nos messes que saint Paul cĂ©lĂ©brait. […]

 

 

Nous nous alimentons de la Parole de Dieu

 

En premier lieu, nous nous alimentons de la Parole de Dieu. L’Eucharistie est toujours cĂ©lĂ©brĂ©e après une lecture de la Bible et une homĂ©lie dans laquelle l’apĂ´tre, l’évĂŞque, le prĂŞtre prĂ©parait l’esprit pour aussitĂ´t cĂ©lĂ©brer cette Parole qui se fait prĂ©sence de Dieu : l’Eucharistie.

 

Vous avez entendu dans l’épĂ®tre de saint Paul comme la prĂ©sence du Christ est Ă©vidente dans l’hostie. (I Cor 10,16-17) : « La coupe de bĂ©nĂ©diction que nous bĂ©nissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ?! Â» Quelles paroles plus Ă©videntes de saint Paul qui nous enseigne le Sang et le Corps de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ! Nous n’avons lu qu’un seul passage oĂą il dĂ©crit merveilleusement ce qu’est la messe. Je vous invite comme toujours Ă  lire entièrement les chapitres 10 et 11 de cette première Ă©pĂ®tre aux Corinthiens.

Saint Paul nous dit que ces Corinthiens qui s’étaient convertis du paganisme, de l’adoration des faux dieux, qui offraient auparavant des sacrifices aux idoles et qui après être devenus chrétiens et avoir assisté à la messe, voulaient revenir à leurs anciennes pratiques sacrificielles, commettaient une affreuse idolâtrie. Pourquoi? Parce qu’ils avaient mangé la chair du Christ qui nous est offerte dans l’Eucharistie, qui est participation de la vie du Christ, où Il est présent. Parce qu’après cela, participer encore à des autels idolâtriques, c’est se faire également participant des idoles qui sont des faux dieux inspirés par le démon, manger de la viande sacrifiée aux idoles c’est s’asseoir à la table du diable, dit saint Paul.

 

Quelle explication plus précieuse pourrions-nous faire? Aujourd’hui, ces idoles des Corinthiens n’existent plus, ces figurines en or d’animaux, de femmes, d’étoiles, de soleils, mais de nos jours il existe tant d’autres idoles que nous ne cessons de dénoncer. Un chrétien qui s’alimente de la communion eucharistique où la foi lui dit qu’il unit sa vie à celle du Christ, comment peut-il être idolâtre de l’argent, idolâtre du pouvoir, idolâtre de lui-même, de l’égoïsme? Comment un chrétien qui communie peut-il être idolâtre? Il y en a plusieurs qui communient et qui sont idolâtres. En ce XXe siècle, saint Paul pourrait répéter à plusieurs chrétiens de San Salvador et des communautés qui méditent cette parole, s’ils croient véritablement que le Christ est présent et qu’Il s’unit à eux au moment de la communion. Comment est-ce possible alors qu’après cela ils aient une conduite si immorale, si égoïste, si injuste, si idolâtre? Comment est-ce possible qu’ils mettent leur confiance dans les choses de la Terre plutôt que dans le pouvoir du Christ qui se rend présent par ce grand sacrifice?

 

Présence de la vie du Christ qu’Il nous apporte du Père

Cette présence du Christ, continuons de l’analyser dans les lectures d’aujourd’hui. Le Christ lui-même, dans l’Évangile, est une Présence de vie qu’Il apporte du Père. Il existe un courant entre Dieu le Père et Dieu le Fils que Je suis; ainsi, tous ceux qui mangent cette Eucharistie vivent par moi. Quelle merveille que celle de l’Eucharistie!

 

 

Force Libératrice

 

Quand nous allons communier aujourd’hui, nous entendons cette Parole du Christ : en ce moment, toi qui reçois cette hostie consacrĂ©e, tu t’alimentes de ma propre vie et cette vie qui est mienne, Je la reçois du Père. De sorte que le Père, toi et Moi, nous ne sommes qu’une seule et mĂŞme vie. Ainsi, pour venir communier et te rendre digne de cette vie divine, tu dois te purifier de tes pĂ©chĂ©s, te libĂ©rer de tes pĂ©chĂ©s, ma prĂ©sence eucharistique est la grande force de la libĂ©ration.

 

Ne l’oublions pas, très chers frères, aujourd’hui lorsqu’il existe tant de forces qui luttent pour la libĂ©ration temporelle des hommes, que notre libĂ©ration chrĂ©tienne part de lĂ  : de l’Eucharistie, de la force rĂ©demptrice du Christ. Une libĂ©ration qui veut nous voir avant tout libres du pĂ©chĂ©. Si nous ne sommes pas libĂ©rĂ©s du pĂ©chĂ©, si un homme ne s’est pas identifiĂ© avec la force divine du Christ qui l’unit au Père, au CrĂ©ateur, il ne peut ĂŞtre un libĂ©rateur efficace. C’est pourquoi l’Église identifie sa libĂ©ration, ses dĂ©nonciations, ses annonces, Ă  partir de cette perspective de foi de la vie de Dieu. Si un chrĂ©tien mutile cette libĂ©ration et fait abstraction de cette grâce de Dieu, de vivre la communion avec le Christ, ce n’est pas un libĂ©rateur chrĂ©tien.

 

 

Aspect sacerdotal

 

Dans cette présence du Christ, il y a un autre aspect, l’aspect sacerdotal. Le Christ se fait présent dans l’hostie comme prêtre de l’humanité. Lisez par exemple l’Apocalypse ou l’Épître aux Hébreux, qui contiennent de précieuses descriptions du culte que le Christ, au nom de toute l’humanité, a rendu au Père. D’où est-ce que le Christ exerce son sacerdoce sur la terre? D’ici, de l’Eucharistie. C’est précisément cette hostie consacrée de notre messe, celle qui unit le peuple pèlerin qui marche dans la sécheresse du désert, parmi les serpents et les scorpions de l’Exode, mais qui se dirige vers la terre promise et vers l’autel de notre messe où le Christ apparaît dans sa gloire avec nos frères qui sont déjà dans cette terre promise.

Comme la messe est magnifique, surtout lorsqu’elle est cĂ©lĂ©brĂ©e dans une cathĂ©drale remplie comme celle-ci chaque dimanche, ou lorsqu’on la cĂ©lèbre dans les chapelles rurales, avec des gens remplis de foi qui savent que le Christ, le Roi glorieux, le PrĂŞtre Ă©ternel recueille tout ce que nous Lui apportons de notre semaine : nos peines, nos Ă©checs, nos espoirs, nos projets, nos joies, nos tristesses et nos douleurs. Combien de choses Lui apporte chacun d’entre nous? Et le PrĂŞtre Éternel les recueille dans ses mains et au moyen du prĂŞtre, homme qui cĂ©lèbre, les Ă©lève vers le Père. C’est le fruit du travail de tous ces gens. Unis Ă  mon sacrifice prĂ©sent sur cet autel, ces gens sont divinisĂ©s et lorsqu’ils sortent de la cathĂ©drale pour retourner Ă  leurs travaux, Ă  leurs luttes, Ă  leurs souffrances, mais toujours en demeurant unis au PrĂŞtre Éternel qui se fait prĂ©sent dans l’Eucharistie pour que nous puissions Le rencontrer Ă  nouveau dimanche prochain.

 

 

Aliment

 

Il se fait prĂ©sent aussi comme aliment et comme communion. Le Christ est un aliment. C’est ce qu’Il leur dit Ă  ceux qui l’écoutent Ă  CapharnaĂĽm, dans ce prĂ©cieux chapitre 6 de saint Jean, ce sermon que le Christ prononça après la multiplication des pains, quand la foule le recherchait pour le faire roi. Le Christ leur dit (Jn 6,26; 35) : « Vous me cherchez […] parce que vous avez mangĂ© du pain et avez Ă©tĂ© rassasiĂ©s. […] Je suis le pain de vie. Â» Je vous offre la vie vĂ©ritable, celle qui vous rendra efficace dans votre travail, le politicien, le sociologue, l’homme d’affaires, le professionnel, l’étudiant, le journalier, Je vous donne la vie vĂ©ritable. (Jn 6,51) : « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra Ă  jamais. Â»

 

Le Christ fit bien attention de ne pas ĂŞtre mal compris parce que certains y voyaient un sens d’anthropophagie lorsqu’ils lui demandèrent : comment pouvons-nous manger cette chair? Nous ne sommes pas des anthropophages, nous ne mangeons pas des gens. Alors, le Christ leur dit : ne l’entendez pas ainsi. Je suis le pain vivant, Je vais ressusciter, Je vais transformer ce corps mortel en un corps spirituel, Je vais ĂŞtre prĂ©sent dans les communautĂ©s chrĂ©tiennes, non pas en me partageant ainsi, physiquement comme une chair d’homme, sinon en vous donnant mon corps, mais non pas mon corps matĂ©riel, mais mon corps spirituel, c’est le mystère du corps mystique. Il est certain que lorsque nous recevons l’hostie, nous recevons le Christ. Tout entier, dit le catĂ©chisme, glorieux comme Il est dans le ciel. Le Christ ressuscitĂ©, le Christ vie, le Christ pain vivant qui descend du ciel. C’est Lui qui nous alimente en ce sens, faisant de nous une vĂ©ritable communautĂ©. 28/05/78, p.268-271, IV.

 

 

3) L’Eucharistie, aliment et force de cohésion de la communauté

 

 

Le Corps et le Sang du Christ, Force d’Unité

 

Saint Paul nous dit dans la seconde lecture d’aujourd’hui (I Cor 10,17) : « Parce qu’il n’y a qu’un pain, Ă  plusieurs nous ne sommes qu’un corps, car tous nous participons Ă  ce pain unique. Â» Quelle prĂ©cieuse Ă©vocation de l’unitĂ© de tous les chrĂ©tiens! Notre unitĂ©, très chers frères, ne se fonde pas sur les idĂ©aux de la terre. Si dĂ©jĂ  sur cette terre les hommes, lorsqu’ils parviennent Ă  bien exposer un idĂ©al, demandent : qui veut me suivre pour le rĂ©aliser? Plusieurs suivent cet idĂ©al, mais ils ne vivent souvent que l’idĂ©al d’un homme et, si celui-ci ou son rĂŞve vient qu’à disparaĂ®tre ou Ă  ĂŞtre trahi, tout s’écroule. Mais le Christ plaça une force beaucoup plus vigoureuse, une force divine que personne ne peut dĂ©truire : son Corps et son Sang, sa PrĂ©sence de RessuscitĂ©, sa Vie de Dieu. Bienheureux le peuple qui parvient Ă  avoir la foi et Ă  dĂ©couvrir que le Christ est sa raison d’être, qui met tous ses espoirs en Lui et communie. Puissent tous ceux qui vont communier ce matin sentir cette rĂ©alitĂ©. MĂŞme si nous sommes plusieurs et mĂŞme si nous ne nous connaissons pas tous, nous venons de divers milieux, nous vivons dans des lieux très distants les uns des autres, cependant, nous sommes un seul corps parce que nous nous alimentons de ce mĂŞme pain.

 

Les anciens aimaient beaucoup cette comparaison. Ils disaient qu’à la manière des grains de blé recueillis sur diverses montagnes, ils ne forment qu’une seule pâte et un seul pain une fois réunis en Jésus-Christ, de même des hommes provenant de divers pays, de races différentes, de diverses catégories sociales, nous ne sommes pas plus que des grains de blé recueillis dans notre foi, pétris dans l’amour et dans l’espérance, unis au Christ-Eucharistie, nous ne sommes plus dispersés, nous formons un seul peuple de Dieu alimenté par la présence du Seigneur.

 

 

Les chrétiens dans le monde doivent être ce qu’est l’âme dans le corps.

 

Et cette prĂ©sence doit ĂŞtre traduite par les hommes et les femmes d’aujourd’hui, par vous prĂ©cisĂ©ment, les laĂŻcs, ceux qui ne sont ni prĂŞtres ni religieux, par vous tous qui vivez en ce monde, Ă©coutez ce texte du Concile Vatican II aux LaĂŻcs. Lumen Gentium (38) : « Tout laĂŻc doit ĂŞtre, Ă  la face du monde, un tĂ©moin de la rĂ©surrection et de la vie du Seigneur JĂ©sus, un signe du Dieu vivant. Tous ensemble, et chacun pour sa part, ils doivent nourrir le monde de fruits spirituels (cf. Gal. 5,22) et rĂ©pandre en lui l’esprit dont sont animĂ©s ces pauvres, ces doux et ces pacifiques que le Seigneur a proclamĂ©s bienheureux dans l’Évangile (cf Mt. 5,3-9). En un mot : « Ce qu’est l’âme dans le corps, que les chrĂ©tiens le soient dans le monde. Â»

Frères, aujourd’hui vous allez sortir de la cathédrale illuminés par la foi en cette présence du Christ sur notre autel, et ceux qui ont communié vont sortir remplis de l’Esprit du Christ. Quand sera le jour où tous ceux qui viennent à la messe se sentiront unis à Dieu, si loin du péché, des passions, des folies de la Terre, qu’ils s’identifieront tant à Dieu que lorsqu’ils sortiront de la cathédrale ou de l’église paroissiale ou de n’importe où l’on célèbre l’Eucharistie, ils vont être dans le monde, l’âme du monde, être des ferments de l’Eucharistie dans leur famille, dans leur profession, dans leur travail et dans leur vie sociale? Il nous manque encore beaucoup de chrétiens comme ceux-là qui vivent véritablement l’Eucharistie.

 

Le « Corpus Â» vient prĂ©cisĂ©ment pour nous rappeler notre devoir de cet aspect de la foi. Si nous croyons vraiment que le Christ, dans l’Eucharistie de notre Église, est le pain vivant qui alimente le monde et que je suis l’instrument, en tant que chrĂ©tien qui a reçu cette hostie et doit l’apporter au monde, j’ai la responsabilitĂ© d’être ferment de la sociĂ©tĂ©, de transformer ce monde si laid. Faire cela ce serait modifier le visage de ma patrie, quand nous injectons la vie du Christ dans notre sociĂ©tĂ©, dans nos lois, dans notre politique, dans toutes les relations. Qui va le faire? Vous!

 

Si vous, les chrĂ©tiens salvadoriens, vous ne le faites pas, n’espĂ©rez pas que le Salvador s’amĂ©liore. Le Salvador sera uniquement fermentĂ© dans la vie divine, dans le Règne de Dieu, si vĂ©ritablement, les chrĂ©tiens de ce pays se proposent de vivre une foi non plus languissante, peureuse et timide, mais qui soit plutĂ´t comme disait saint Jean Chrysostome : « Quand vous communiez, vous recevez le feu, vous devriez sortir de lĂ  remplis d’allĂ©gresse et de force pour transformer le monde. Â» 28/05/78, p.272-273, IV.