Le Mystère du Salut en Jésus-Christ

 

Neuvième dimanche du temps ordinaire, 4 juin 1978; Lectures : DeutĂ©ronome 18,26-28; Romains 3,21-25b; Matthieu 7,21-27.

 

Mais avant de vous exposer ma pensée concrète sur ce sujet, je vous invite, très chers frères, à réfléchir au sens que peut avoir une parole désincarnée de la réalité. Il est très facile d’annoncer un Évangile, qui dirait la même chose au Guatemala, au Salvador ou en Afrique. C’est le même Évangile naturellement, comme c’est le même soleil qui illumine le monde entier. Mais comme la lumière du soleil se diversifie dans les fleurs, dans les fruits, selon les nécessités de la nature qui le reçoit, la Parole de Dieu doit également s’incarner dans les réalités et c’est là la difficulté de la prédication de l’Église. Prêcher un Évangile, sans engagement dans la réalité, ne cause pas de problèmes et il est très facile d’accomplir ainsi la mission du prédicateur. Mais éclairer de cette lumière universelle de l’Évangile nos propres misères salvadoriennes, nos propres joies et nos succès, c’est là le plus beau de la Parole de Dieu, parce qu’ainsi nous savons que le Christ est en train de nous parler, qu’Il s’adresse à nos communautés, à notre Archidiocèse réunit pour cette méditation de la Parole divine. 04/06/78, p.16-17, V.

 

Nous recommandons que l’éducation, la réforme de l’éducation, rejette dans ses fondements philosophiques, une conception ingénue de la société qui abandonne l’étudiant à la manipulation arbitraire des prétendues forces libres de la société où les secteurs nationaux et étrangers, minoritaires, dominent et imposent leurs intérêts.

Une Ă©ducation doit toujours promouvoir le sujet dans le changement vers le bien commun. Nous nous rĂ©jouissons Ă©galement de voir dans les recommandations d’une action, de ce mĂŞme gouvernement, du Ministère de l’Éducation, lorsqu’il dit : « Par consĂ©quent, en ce qui concerne les droits humains qui doivent ĂŞtre enseignĂ©s par l’éducation, doivent ĂŞtre abolies toutes ces dispositions et pratiques qui rendent obligatoires ces dits concepts et postulats, et spĂ©cialement, devra ĂŞtre abrogĂ©e la Loi de DĂ©fense et de Garantie de l’Ordre Public, parce qu’elle porte grandement atteinte aux droits et libertĂ©s civiles ainsi qu’aux valeurs et aux fins d’un processus Ă©ducatif dĂ©mocratique. Ce n’est pas seulement l’Église qui sonne l’alarme, sinon qu’il s’agit de ce mĂŞme gouvernement qui perçoit, au travers de ces ministères, la nĂ©cessitĂ© d’avoir des lois qui soient vĂ©ritablement promotrices d’une authentique dĂ©mocratie. […]

 

Nous regrettons qu’un pseudo-christianisme auquel sont accordées toute la protection et toutes les facilités soit en train de réaliser exactement ce que dénonce le Ministère de l’Éducation. Je me réjouis qu’en ce même secteur de nos frères protestants, il y en ait plusieurs qui vivent et qui palpitent devant cette même inquiétude de l’Église catholique, d’annoncer un Évangile qui n’endort pas et qui ne soit pas opium du peuple, mais qui cherche au contraire à éveiller la conscience critique dont nous avons parlé ici au cours de ce séminaire sur l’Éducation. C’est là la gloire de notre Église, d’accomplir et de souffrir précisément parce qu’elle veut faire avancer cette consigne de pure philosophie éducative du peuple. 04/06/78, p.17-18, V.

 

« Ă€ San Antonio Abad s’est tenu une rĂ©union qui avait comme motif d’éclairer une fois encore la relation qui existe entre l’Église et les organisations populaires. Nous y avons rĂ©pĂ©tĂ© une fois encore que l’Église ne peut se laisser manipuler par des motifs politiques. Je prĂ©pare pour bientĂ´t une dĂ©claration pastorale dans laquelle je rĂ©sumerai cette pensĂ©e, en disant qu’il doit demeurer bien clair que si l’Église dĂ©fend le droit que possèdent le peuple et les paysans de s’organiser, puisqu’il s’agit lĂ  d’une façon de faire rĂ©gner la justice en ce monde, et qu’il s’agit lĂ  d’un droit inaliĂ©nable : le droit d’organisation. Les chrĂ©tiens possèdent Ă©videmment aussi ce droit, et ils ont en plus l’obligation de rechercher des mĂ©canismes efficaces au niveau social et politique, pour que notre pays se configure toujours davantage selon l’idĂ©al de la justice. Ce sont dĂ©jĂ  lĂ  des options et des moyens, des instruments qu’ils doivent rechercher. L’Église accueillera toujours les nobles causes, qui proviennent de ce dĂ©sir de justice et elle demeurera toujours du cĂ´tĂ© des paysans qui sont aujourd’hui les plus nĂ©cessiteux.

 

Par ailleurs, l’Église respecte l’autonomie des partis et des organisations en tant que tels comme elle demande également aux organisations, même à celles qui se disent d’inspiration chrétienne, de ne pas utiliser l’Église comme s’il s’agissait d’un instrument pour arriver à ses fins. C’est-à-dire que l’Église réclame aussi son autonomie, elle veut proclamer une fois encore qu’elle n’a pas de relations concrètes avec aucune organisation. C’est pourquoi aucune organisation ne peut invoquer ni même le nom de chrétiens, pour dire aux chrétiens qu’ils doivent s’organiser sous cette bannière. Nous pouvons pratiquer la justice en tant que chrétiens sous une forme très libre. Personne n’est obligé d’appartenir à une organisation, si ce n’est que par son libre choix. Et même ici le chrétien doit faire prévaloir son idéal chrétien, parce que si un chrétien, impliqué dans une organisation, veut soumettre son christianisme, son Église, aux idéaux terrestres d’une organisation, il trahit sa foi. 04/06/78, p.19-20, V.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) La Loi

2) La foi et les Ĺ“uvres

3) La Force de l’Évangile

 

 

1) La Loi

 

Par la loi de MoĂŻse et par la raison naturelle, Juifs et Gentils peuvent connaĂ®tre Dieu. Mais la triste rĂ©alitĂ© historique est que ni la loi des Juifs, ni la raison naturelle des Gentils, ne sont parvenues Ă  atteindre une morale pour l’humanitĂ©. C’est sur cela que mon homĂ©lie dĂ©sire se concentrer, en premier lieu sur le peuple juif, sur cette première lecture extraite du livre du DeutĂ©ronome. C’est un moment solennel oĂą MoĂŻse dit aux IsraĂ©lites (Dt 11,26-28) : « Vois! Je vous offre aujourd’hui bĂ©nĂ©dictions et malĂ©dictions. BĂ©nĂ©dictions si vous obĂ©issez aux commandements de YahvĂ© votre Dieu que je vous prescris aujourd’hui, malĂ©dictions si vous dĂ©sobĂ©issez aux commandements de YahvĂ© votre Dieu, si vous vous Ă©cartez de la voie que je vous prescris aujourd’hui en suivant d’autres dieux que vous n’avez pas connus. Â» […]

 

Il est intĂ©ressant d’observer que ces deux chemins qui vont se terminer par la malĂ©diction ou la bĂ©nĂ©diction, ne sont pas une simple fantaisie. Les mots « bĂ©nĂ©diction Â» et « malĂ©diction Â», dans la Bible, reprĂ©sentent des sanctions dĂ©finitives. « Va maudit au feu Ă©ternel Â». Cela signifie qu’il nous faut prendre au sĂ©rieux l’obĂ©issance Ă  la Loi de Dieu, ainsi que la bĂ©nĂ©diction qui n’est pas qu’un simple augure : « Que Dieu te bĂ©nisse Â». Mais il s’agit d’une sanction dĂ©finitive, c’est un fait, celui Ă  qui Dieu dit « BĂ©ni Â», le Règne de Dieu lui est donnĂ©, cette parole le fait participant de sa Vie.

 

Frères : en deux images distinctes, le Christ nous fait la mĂŞme proposition dans l’Évangile d’aujourd’hui (Mt 7,21-27) : la maison construite sur le sable et la maison construite sur le roc. Celui qui construit sa maison en creusant de profondes fondations, mĂŞme si la tempĂŞte vient, elle ne la dĂ©truit pas parce que cette demeure est bien Ă©tablie sur le roc. Mais l’insensĂ© qui a construit sur le sable, lorsque vient l’eau, elle emporte le sable et dĂ©truit toute la maison. Et le Christ l’applique dĂ©jĂ . Et c’est ce qui nous intĂ©resse : APPLIQUER. Tous ceux qui entendent la Parole de Dieu et la mettent en pratique, construisent sur le roc. Mais celui qui entend la Parole de Dieu seulement par curiositĂ©, par littĂ©rature, par intĂ©rĂŞt ou pire encore si c’est entendre ce que dit l’évĂŞque, pour voir s’il ne se piège pas quelque part, ceux-ci construisent sur le sable. Et lorsqu’arrivera l’heure terrible du jugement de Dieu, ceux-lĂ  seront jugĂ©s. Et Il me jugera Ă©galement sur ce que je dis, et c’est Lui que je crains. Je Le crains afin de dire seulement ce qu’Il dĂ©sire que je dise, mĂŞme si les hommes n’aiment pas ce que je suis en train de dire.

 

Construire sur le roc c’est faire la volontĂ© de Dieu et Ĺ“uvrer selon sa volontĂ©. Comme est terrible la libertĂ© de l’homme! « Devant vous se trouvent deux chemins Â», leur dit MoĂŻse. Et le Christ dit : « On peut construire sa maison de deux façons. Â» S’il y a quelqu’un qui respecte la libertĂ©, c’est Dieu. Dieu nous fit authentiquement libres et Il nous laisse libres, les uns vont vers la loi, les autres vont vers la malĂ©diction, tu es libre de choisir.

 

La libertĂ© ne consiste pas Ă  faire tout ce qui nous fait envie : la libertĂ© consiste Ă  marcher vers oĂą Dieu nous veut, librement. L’allĂ©gresse de Dieu, ce matin en cathĂ©drale, c’est qu’aucun d’entrevous n’y soit venu de force, vous y ĂŞtes tous venus librement. C’est Ă  cela que sert la libertĂ©, Ă  venir avec amour, avec libertĂ©, non par la force. Les multitudes qu’on assemble par la force ne sont pas volontaires : personne ne viole autant la libertĂ© de l’être humain que le fanatique des choses de la Terre. Mais si Dieu nous laisse authentiquement libres, Il veut connaĂ®tre la joie du père, que le fils va visiter et saluer sans y ĂŞtre obligĂ© et qui embrasse son père avec la tendresse de la libertĂ© et de l’amour.

 

Comment se pourrait-il que la libertĂ© humaine soit coupĂ©e par la Loi de Dieu? Saint Paul entre dans cette question avec son prĂ©cieux message de l’ÉpĂ®tre aux Romains (3,21-25) pour dire Ă  ces mĂŞmes juifs : « La Loi ne suffit pas. Â» La Loi te signale le bon et le mal, mais tu sens que, mĂŞme si tu sais que tu dois faire le bien, tu fais le mal. Je crois que nous avons dĂ©jĂ  tous fait cette expĂ©rience : nous sentons que nous ne devons pas faire le mal, mais nous le commettons. Parce qu’une passion, un goĂ»t, un caprice nous amènent Ă  la dĂ©sobĂ©issance de Dieu. Nous savons ce qu’il en coĂ»te d’accomplir la Loi de Dieu, combien de violence doit-on se faire Ă  soi-mĂŞme pour accomplir la volontĂ© du Seigneur. La loi ne suffit pas, la raison non plus. Parce qu’en ce mĂŞme livre du DeutĂ©ronome, et dans l’ÉpĂ®tre aux Romains, nous rencontrons les sombres actions que les hommes commettent. 04/06/78, p.21-22, V.

 

 

2) La foi et les Ĺ“uvres

 

Il existe des Ĺ“uvres sans la foi et sans amour, ainsi comme existe la foi sans les Ĺ“uvres, il y a des Ĺ“uvres sans foi. De nombreux activistes, beaucoup de va-et-vient, mais on n’agit pas par amour, ni par foi. Et saint Paul nous dit : « Si je donne mes biens aux autres, si je parle la langue des anges et des hommes, si je fais des merveilles pour que tout le monde m’applaudisse, mais que je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Â» L’œuvre sans amour, les Ĺ“uvres sans foi sont mortes. Ainsi comme Ă  l’inverse, la foi sans les Ĺ“uvres est morte, nous dit saint Jacques.

 

Saint Jacques, dĂ©jĂ  Ă  son Ă©poque, prĂ©voyait ces exagĂ©rations que Luther au XVIe siècle nous propos, Ă  savoir que la foi suffit. Le mal de Luther fut qu’il ajouta ce simple mot dans sa traduction « la foi seule suffit Â», pour lui c’est la foi seule sans les Ĺ“uvres qui sauve. Et cela est très dangereux. L’ÉpĂ®tre aux Romains a causĂ© de nombreux problèmes Ă  la thĂ©ologie prĂ©cisĂ©ment sur ce point que nous Ă©tudions aujourd’hui. Lorsque Paul dit que c’est la foi qui sauve sans les Ĺ“uvres, il se rĂ©fère aux Ĺ“uvres de la Loi ancienne : qu’il n’est plus nĂ©cessaire d’être circoncis, qu’il n’est plus nĂ©cessaire d’observer le sabbat, mais le dimanche, qu’il n’est plus nĂ©cessaire de vivre comme les juifs de l’Ancien Testament puisque nous avons inaugurĂ© l’ère chrĂ©tienne. C’est Ă  cela que fait allusion l’apĂ´tre lorsqu’il dit : « La foi sauve, non les Ĺ“uvres de la Loi Â». Par contre, le Christ nous dit : « Ce n’est pas celui qui dit “Seigneur! Seigneur!” qui entrera au Règne des Cieux, mais celui qui fait la volontĂ© de mon Père Â». Et saint Jacques dit Ă©galement en rĂ©futant les chrĂ©tiens de son temps : « Montre-moi ta foi sans Ĺ“uvre, mais moi je te montrerai par mes Ĺ“uvres ma foi. Â»

 

Cet Ă©quilibre est nĂ©cessaire, très chers frères, pas seulement la foi. Dieu n’a pas besoin qu’on lui dise « Seigneur Seigneur Â», puisqu’Il est le Seigneur de toujours. Saint Jacques dit une phrase terrible : « Les dĂ©mons de l’enfer connaissent Dieu Ă©galement et le craignent, mais ils ne peuvent se sauver. Â» La foi ne suffit pas. La foi sans les Ĺ“uvres est morte.

 

Comme me rĂ©jouit ce desideratum du SĂ©minaire sur la RĂ©forme Ă©ducative qui demande aux sectes chrĂ©tiennes de ne pas prĂŞcher un christianisme aliĂ©nant, de ne pas prĂŞcher une religion sans engagement dans l’Histoire. C’est pourquoi je me rĂ©jouis de ce que nous prĂŞchons cet engagement historique, que nous rĂ©clamons Ă  partir de l’Évangile, Salvadoriens de cette heure : « Vous ne vous sauverez pas si vous ne travaillez pas intensĂ©ment pour construire un monde meilleur, en dĂ©butant par vos propres foyers, par vos propres fonctions professionnelles, mais si elles sont des plus humbles, faire le pain, travailler du lever au couchant avec une machette, mais avec amour, en montrant lĂ  l’œuvre de son honnĂŞtetĂ© et de sa foi qui aime Dieu en vĂ©ritĂ©. Â» Qui peut nous donner cet Ă©quilibre? Et c’est lĂ  la troisième rĂ©flexion de cette homĂ©lie : la force de l’Évangile. 04/06/78, p.22-23, V.

 

 

3) La Force de l’Évangile

 

Lorsque saint Paul s’adresse aux Romains, c’est dĂ©jĂ  lĂ  sa grande thèse : je vais aller vous enseigner la force de l’Évangile. La raison naturelle ne suffit pas, ni la vĂ´tre, les grands romains qui ont conquis le monde, ni celle de la Grèce, Ă  Athènes dont j’ai visitĂ© aussi les grands sages; leur intelligence est très grande, mais ils ne sont pas parvenus Ă  connaĂ®tre le Dieu vĂ©ritable avec toutes ses implications. Ni vous, les juifs, de ceux dont Dieu me sĂ©para pour aller prĂŞcher au monde paĂŻen. La Loi ne suffit pas, ni les Ĺ“uvres de cette Loi. Ce que le Christ demande maintenant, c’est la foi dans le grand Ă©vĂ©nement salvateur, c’est-Ă -dire de croire que le Christ est mort et qu’Il est ressuscitĂ© pour moi. C’est Ă  cela que saint Paul appelle, dans son Ă©pĂ®tre – une phrase que nous devons graver ici comme sur une Ă©pitaphe – La Justice de Dieu manifestĂ©e en JĂ©sus-Christ. Aujourd’hui, on parle beaucoup de justice et peut-ĂŞtre l’interprĂ©tons-nous mal. La justice selon la Parole biblique d’aujourd’hui signifie l’action, l’intervention misĂ©ricordieuse de Dieu, manifestĂ©e en JĂ©sus-Christ pour effacer de l’homme son pĂ©chĂ© et pour lui donner la capacitĂ© d’œuvrer comme un fils de Dieu. C’est cela la vĂ©ritable libĂ©ration.

 

Il existe dans notre environnement de nombreuses prĂ©occupations concernant la libĂ©ration. BĂ©ni soit Dieu. Mais il est dommage que nombre de ces libĂ©rations ne demeurent qu’au niveau des choses terrestres : libĂ©ration Ă©conomique, libĂ©ration politique, libĂ©ration sociale. C’est bien, tout cela viendra en surcroĂ®t. Mais le Pape Paul VI lorsqu’il dĂ©crit l’évangĂ©lisation du monde actuel, dit que le libĂ©rateur chrĂ©tien, le chrĂ©tien qui ressent vraiment cette angoisse de libĂ©rer son peuple devra comprendre toutes ces manifestations libĂ©ratrices afin de les incorporer Ă  la grande libĂ©ration chrĂ©tienne qui dĂ©bute prĂ©cisĂ©ment de cette justice que nous rĂ©vèle aujourd’hui saint Paul : la justice de Dieu est libĂ©ration de l’homme. De son pĂ©chĂ©, en premier lieu, pour qu’il soit capable d’accomplir la loi de Dieu. Seul l’homme qui s’est libĂ©rĂ© du pĂ©chĂ© et qui s’efforce de se sanctifier par l’accomplissement de la loi de Dieu, lui seul a le droit de parler d’une libĂ©ration authentique, et mĂŞme des libĂ©rations de la terre. Mais si un chrĂ©tien oublie cette perspective Ă©ternelle, de la libĂ©ration du pĂ©chĂ© et de la grâce en JĂ©sus-Christ, il a dĂ©jĂ  perdu sa force et sa mystique, c’est souvent ce qui se produit. C’est pour cela que je vous ai demandĂ© de ne pas impliquer l’Église avec sa grande prĂ©dication de la libĂ©ration intĂ©grale en JĂ©sus-Christ, avec les petites libĂ©rations de la terre. N’identifiez pas l’Église qui prĂŞche cette libertĂ© du pĂ©chĂ© et de la mort, dans cette justice de Dieu, qui nous a donnĂ© son Fils, avec ces libĂ©rations terrestres qui souvent ne se souviennent mĂŞme pas de demander pardon Ă  Dieu et qui commettent davantage d’injustices, de violences et de dĂ©sordres que ceux qu’elles prĂ©tendent combattre.

 

Puisions-nous comprendre que l’Église possède la clĂ© de la vĂ©ritable libĂ©ration. C’est pourquoi je termine par oĂą j’ai commencĂ© en vous disant que nous venons Ă  la messe pour rĂ©flĂ©chir sur ce grand mystère du Salut, non pas Ă  partir de nos faibles forces humaines : personne ne peut se sauver soi-mĂŞme, ni mĂŞme accomplir la loi naturelle. La ThĂ©ologie dit qu’une personne, pour aussi intelligente qu’elle soit, possède de nombreuses lacunes au plan moral. Mais lorsque nous accueillons la Grâce de Dieu, la force de la Justice de Dieu manifestĂ©e en JĂ©sus-Christ, avec humilitĂ© et que nous disons : « Seigneur, je suis un pauvre, libère-moi de mes pĂ©chĂ©s, je sens en moi la misère et les passions qui me contraignent, libère-moi de ce corps de mort. Â» Lorsqu’un homme s’abandonne ainsi entre les mains de Dieu, il s’agit d’un esprit fort. Comme dit saint Paul : « Dans ma faiblesse se manifeste la puissance de Dieu. Â»

 

Vivons, frères, cette belle espĂ©rance de notre foi. C’est la foi qui sauve, non pas par les Ĺ“uvres de la Loi de l’Ancien Testament, sinon par celles du Nouveau Testament, celles de notre peuple, les Ĺ“uvres concrètes qu’Il nous demande ici : l’honnĂŞtetĂ© des avocats, la justice des juges qui ne se vendent pas. La justice qui rĂ©clame après tant d’outrages. L’honnĂŞtetĂ© de ceux qui vendent aux marchĂ©s. L’honnĂŞtetĂ© de celui qui gagne un salaire et qui accomplit fidèlement sa tâche. L’honnĂŞtetĂ© de celui qui paie ses employĂ©s sans les extorquer, sans les exploiter. C’est tout cela que rĂ©aliserait en notre patrie la vĂ©ritable libĂ©ration. Remplissons-nous de cette espĂ©rance en commençant par nous-mĂŞmes, en Ă©tant vĂ©ritablement justes, avec cette justice divine que Dieu nous manifeste en JĂ©sus-Christ Notre Seigneur. 04/06/78, p.23-25, V.