Première anniversaire de la mort du père Alfonso Navarro

 

11 mai 1978

 

La lecture de l’épĂ®tre aux ÉphĂ©siens nous invite Ă  ĂŞtre valeureux, Ă  ne pas ĂŞtre lâches, Ă  vivre cette nouveautĂ© du chrĂ©tien qui a entrevu entre les mĂ©chancetĂ©s de la Terre, la beautĂ© de la VĂ©ritĂ© de Dieu. Celle-ci est très dangereuse Ă  annoncer et Ă  proclamer puisqu’à partir d’elle, il nous faut dĂ©noncer les injustices, les dĂ©sordres et les abus. Si dangereux que si Alfonso Navarro n’avait pas parlĂ©, il ne serait pas mort. Il est le tĂ©moignage de ce qu’il disait en citant l’Évangile : « Seulement la vĂ©ritĂ© nous rend libres. Â» La vĂ©ritĂ© prononcĂ©e avec courage est celle qui conduit le père Alfonso Navarro Ă  ĂŞtre une personnalitĂ© discutĂ©e, une personnalitĂ© dangereuse, si dangereuse que plusieurs encore ne se convainquent pas de la beautĂ© de sa vĂ©ritĂ©. Et, cependant, ce fut la vĂ©ritĂ© qui le rendit libre des autoritĂ©s de la Terre et de toutes les choses qui lient tant d’hommes Ă  la lâchetĂ©, Ă  la trahison et au mensonge. La mort d’Alfonso Navarro est pour nous un appel au courage dans la proclamation de la vĂ©ritĂ©. […]

 

Celui qui prêche la vérité ne se sent pas supérieur aux autres. Si quelque chose embellit notre archidiocèse, c’est parce que nous tous recherchons avec sincérité ce chemin, la vérité que seul le Christ possède. Et faire la rencontre du Christ, c’est rencontrer la vérité et être fidèle à son Évangile, à sa présence dans le monde en essayant de donner témoignage de cette présence malgré nos misères humaines. En cela consiste le témoignage sincère d’une vérité que nous cherchons tous et que nous suivons tous parce que nous l’incarnons dans la beauté du Christ. En cette heure de confusions, c’est suivre le Christ qui nous donne la valeur de continuer d’annoncer ce témoignage de la vérité.

 

Lorsque le Saint des Saints, le Christ, l’Unique Saint ouvrit ses lèvres pour parler Ă  l’humanitĂ©, de Lui sortirent comme des perles pour le monde assoiffĂ© de bontĂ©, ces BĂ©atitudes qui proclament la bĂ©atitude de celui qui souffre : « Bienheureux serez-vous lorsque pour ma cause, on vous persĂ©cutera et calomniera Â» et qui termine en annonçant le renversement que l’Évangile vient opĂ©rer en ce monde. En le suivant, mĂŞme lorsqu’on nous traite de fous, de subversifs, de communistes et, de tous les qualificatifs malveillants, nous savons que nous ne faisons rien d’autre que prĂŞcher le tĂ©moignage subversif des BĂ©atitudes qui ont tout renversĂ© pour proclamer bienheureux les pauvres, bienheureux les assoiffĂ©s de justice, bienheureux ceux qui souffrent. Et c’est par ce chemin qu’Alfonso Navarro est entrĂ© dans la joie du Ciel qu’il savoure prĂ©sentement pour nous dire que l’Évangile ne ment pas, qu’Il dit la vĂ©ritĂ©. C’est ce monde menteur et sensuel, pĂ©cheur et injuste qui ne nous dit pas la vĂ©ritĂ©. Pauvres de vous qui vivez dans le mensonge et bienheureux ceux qui vivent dans la vĂ©ritĂ©!

 

Cette saintetĂ© du père Alfonso Navarro qui nous annonce l’Évangile possède de nombreux risques, et le risque le plus grand est celui qu’il a pris, le martyr. Le Concile Vatican II parlant de l’appel universel Ă  la saintetĂ© de tous les hommes, dans tous les Ă©tats et dans toutes les situations dit que : « Le martyr, dans lequel le disciple s’assimile au MaĂ®tre, qui accepta librement la mort pour le Salut du monde, et se conforme Ă  Lui dans l’effusion de son sang, est estimĂ© par l’Église comme un don illustre et comme la preuve suprĂŞme de l’amour. S’il s’agit d’un don consenti Ă  peu d’hommes, tous cependant doivent ĂŞtre disposĂ©s Ă  confesser le Christ devant les hommes et Ă  le suivre par le chemin de la Croix, en mesure des persĂ©cutions qui ne manquent jamais Ă  l’Église. Â»

 

Le chemin de la Croix est le chemin du martyr, c’est une grâce très singulière. Le Seigneur ne l’accorde pas Ă  tous, mais nous l’attendons tous. Et tous ceux qui tentent de suivre le Seigneur, nous savons que nous ne pouvons pas Le suivre sans un très grand amour dans le cĹ“ur, disposĂ© Ă  donner sa vie pour Lui. Bienheureux Alfonso Navarro, bienheureux le Père Grande, bienheureux ceux qui sont morts Ă  cause de la persĂ©cution du Royaume du Christ. Bienheureux ceux qui, par la haine de la foi, ont Ă©tĂ© massacrĂ©s! Bienheureux parce que, Ă  travers ces mains ensanglantĂ©es et criminelles, Dieu a donnĂ© la perle la plus prĂ©cieuse qu’Il puisse donner Ă  notre communautĂ©. Je recueille avec respect, admiration et reconnaissance, avec la tendresse d’un frère, la vie et l’exemple du père Alfonso pour lui dire : cette perle de notre communautĂ©, couronne de beautĂ© de notre archidiocèse, est une lumière qui nous invite au tĂ©moignage de la saintetĂ©, de la vĂ©ritĂ© et de l’unitĂ©! 11/05/78, p.225-227, IV.