Christ vit, Christ est ressuscité, vous le verrez et vous vivrez!

 

Sixième dimanche de Pâques; 30 avril 1978; Lectures : Actes 8,5-8.14-17; I Pierre 3,15-18; Jean 14,15-21.

 

Jésus-Christ veut nous parler au moyen de son Église, au sujet de l’esprit qui prolonge la Présence du Rédempteur parmi nous. Ce sont des dimanches très importants pour notre instruction chrétienne et surtout, pour vivre avec espérance avec force et allégresse, notre vie chrétienne sur la Terre.

 

C’est pourquoi nous devons avoir les pieds sur terre, parce que cette vie que le Christ apporte aux humains n’est pas pour nous enlever de l’histoire, mais pour mettre dans le cœur humain qui fait l’histoire, la force chrétienne avec laquelle tout homme doit être un constructeur de sa propre histoire. Un chrétien qui ne vit pas la force de l’Évangile parmi les réalités terrestres, est ce que nous appelons un chrétien désincarné, non situé. Il serait mieux pour lui d’être un ange qu’un humain. L’être humain à qui le Christ est venu placer sa doctrine, sa foi, son Église, est l’homme concret, nous autres qui assistons à cette messe, ou au travers de la radio, ceux qui réfléchissent avec nous sur le sens de cette Parole de Dieu en ce dernier jour d’avril 1978, ici au Salvador ou dans les villages et les cantons où l’on médite cette même Parole aujourd’hui. 30/04/78, p.191-192, IV.

 

Nous déplorons cette semaine la mort de deux policiers. Ce sont nos frères. Face à l’outrage et à la violence, je n’ai jamais été partial. Je me suis situé avec la compassion du Christ aux côtés du mort, de la victime, de celui qui souffre, et j’ai demandé que nous priions pour eux et que nous nous unissions en solidarité de douleur avec ses familles. J’ai dit que deux policiers qui meurent, ce sont deux victimes de plus de l’injustice de notre système que j’ai dénoncée dimanche dernier, parmi ses crimes les plus grands, c’est qu’il provoque l’affrontement entre pauvres – policiers, ouvriers ou paysans, ils appartiennent tous à la classe pauvre. Le mal du système c’est de permettre l’affrontement des pauvres avec les pauvres. Deux policiers morts, ce sont deux pauvres qui sont victimes d’autres, peut-être pauvres, et qui en tout cas sont victimes de ce dieu Moloch, insatiable de pouvoir, d’argent, qui pour maintenir sa situation ne s’importe pas de la vie du paysan ou du policier, ou du soldat, sinon qu’il lutte pour la défense d’un système rempli de péché. […]

 

Que l’on rende les enfants et les jeunes aptes à analyser la réalité de ce pays. Qu’on les prépare pour être des agents de transformation au lieu de les aliéner avec un amoncellement de texte et de techniques qui leur font méconnaître la réalité. Ainsi, il existe de nombreux techniciens, plusieurs professionnels qui connaissent leur science, leur profession, mais qui agissent comme des anges, désincarnés de la réalité où se produit leur travail. Le premier but que doit poursuivre l’éducation, c’est d’incarner l’homme dans la réalité, lui apprendre à analyser, à être critique de sa réalité. L’éducation doit permettre la participation politique, démocratique, consciente. Comme cela ferait du bien!

 

 

Pourquoi sommes-nous en train de perdre nos valeurs salvadoriennes? Parce que l’éducation ne les a pas rendus responsables de cette participation au bien commun. C’est ce que me disent certains experts qui ont étudié la réforme de 1968, qu’il y a là aussi un sens d’autonomie nationale qu’il vaudrait la peine de cultiver. Il nous faut apprendre à découvrir à partir de la réalité les forces de croissance, de développement, de l’identité nationale, ainsi que les effets néfastes de la dépendance envers les autres nations. […]

 

Comme disait le Pape Paul VI dans Populorum Progressio : « Un impĂ©rialisme culturel, Ă©conomique, bien pire que le politique. Â» Enseigner Ă  l’étudiant, ce sens d’autonomie nationale, faire d’eux des agents de vĂ©ritable indĂ©pendance, critiques de cette dĂ©pendance, de cet esclavage international.

 

Aussi, un autre principe de la rĂ©forme de 68 est la promotion de la science et de la technique au service du bien commun et non seulement en bĂ©nĂ©fice de quelques privilĂ©giĂ©s. Une grande part de la technique ne sert que les intĂ©rĂŞts de quelques-uns et non le bien commun. Et souvent nos propres techniciens qui ont coĂ»tĂ© si cher au pays, au lieu de se consacrer au bien commun de la patrie, vont chercher leurs profits personnels et familiaux dans d’autres pays : fuite de cerveaux, fuite de capacitĂ©s qui appauvrissent davantage notre pauvre environnement qui a tant besoin de ces techniciens pour rencontrer des solutions Ă  tant de problèmes dont nous souffrons actuellement.

 

Le fruit d’une vĂ©ritable rĂ©forme Ă©ducative devrait ĂŞtre : des maĂ®tres, des Ă©coles, des collèges qui soient de vĂ©ritables analystes critiques de la rĂ©alitĂ© nationale et qui sachent transmettre ces critères sains et efficaces aux nouvelles gĂ©nĂ©rations. 30/04/78, p.193-194, IV.

 

 

Que pouvons-nous faire?

 

L’Église ne peut te donner une technique, l’Église ne possède pas de système, l’Église inspire chrĂ©tiennement les systèmes et les hommes pour que vous qui vivez en ce monde aiguisiez votre crĂ©ativitĂ©, recherchiez des solutions. Nous avons dĂ©jĂ  des structures comme celles dont nous venons de parler : la Cour SuprĂŞme de Justice, le ministère de l’Éducation, ce sont dĂ©jĂ  lĂ  des structures qui si elles se mettaient au service du peuple avec un dĂ©sir sincère de sortir de ce tourbillon de violence, je crois, mes frères, que beaucoup serait fait, pour le moins, des petits pas dĂ©finitifs vers la sortie de ce bourbier oĂą la patrie se trouve.

 

L’Église n’est pas responsable de ces domaines, sauf qu’en tant que prédicateur de l’Évangile et de la morale du Christ, elle se doit d’indiquer les péchés peu importe où ils se trouvent pour faire appel à la conversion. Parce que le jour où chaque homme et chaque femme, qui vit et travaille dans ces structures que nous avons, transformeront leur cœur en un cœur de chrétien, ils deviendront véritablement des agents efficaces de la construction d’une patrie meilleure. 30/04/78, p.195, IV.

 

Dieu construisit le monde et ne le laissa pas parfait parce qu’Il le confia Ă  ses images. Intentionnellement, Il laissa le monde incomplet pour que les humains le perfectionnent. Lorsqu’aujourd’hui les hommes dans la technique dĂ©couvrent le secret de l’atome, l’énergie solaire, les secrets de la terre et de la mer, ils n’inventent rien de nouveau. La crĂ©ation a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© faite par le grand Travailleur : Dieu, mais Il a laissĂ© Ă  ses fils, ses images, dĂ©couvrir l’atome, dans la terre, dans la mer, dans les espaces, dans les voyages interplanĂ©taires, par leurs travaux d’hommes. Le travailleur humain imite le travailleur Dieu et il perfectionne la CrĂ©ation en transformant le monde.

 

C’est pourquoi le Christ est la Révélation du Dieu travailleur et la révélation de l’homme travailleur. C’est ce qu’est venue prêcher l’Église, parce que le Christ est la grande révélation de Dieu et de l’homme, c’est précisément parce que les humains n’ont pas su interpréter cette rencontre qu’ils ont créé la lutte des classes et les différences sociales. Mais si nous comprenions comment le Christ empoigne le travail infini de Dieu et le travail fini de l’homme, nous bâtirions la société de la paix, de la justice et du progrès. 30/04/78, p.198-199, IV.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Le Christ vit et Il est Dieu!

2) Quel est le dynamisme du Christ?

3) Le Salut du Christ

 

 

1) Le Christ vit et Il est Dieu!

 

 

A) Il est mort dans la chair mais il vit en esprit.

 

Le Christ vit, Il est Dieu, nous a dit la seconde lecture de la première Ă©pĂ®tre de saint Pierre (3,18) : « Mis Ă  mort selon la chair, Il a Ă©tĂ© vivifiĂ© selon l’Esprit. Â» Il est mort dans sa chair. Toute chair meurt, toute chair vieillit. La chair est ce qui crĂ©e la diffĂ©rence entre les hommes, entre les vieux et les jeunes, entre les riches et les pauvres. La chair. Mais cette chair meurt. Toutes les choses matĂ©rielles meurent. Elles possèdent leurs valeurs temporelles relatives.

Jésus ressuscita dans l’Esprit. C’est cela la vie qu’il vaut la peine d’avoir. Garder cela à l’esprit pour savoir travailler non pour la chair qui périt, non pour des biens qui demeurent sur terre après votre mort, mais en gardant bien en vue le grand Travailleur qui mourut comme tous les travailleurs, mais qui vit maintenant selon l’Esprit.

 

 

B) L’Esprit vit et Il est en vous

 

« L’Esprit vit en vous, dit le Christ aux apĂ´tres, et Il est avec vous Â» (cf. Jn 14, 17). Si le Christ continue de vivre aujourd’hui, frères, c’est grâce Ă  cet Esprit qu’Il nous a donnĂ©, mais ce Christ travailleur, souvenez-vous quand on Le confondait avec les charpentiers. « Comment peut-il enseigner si nous savons qu’il est le fils d’un charpentier? Â» Ceci est le regard mĂ©prisant des hommes lorsqu’ils ne voient en l’ouvrier rien de plus que le fils d’un autre ouvrier. Mais lorsque la foi dĂ©couvre que cet humble ouvrier de Nazareth porte la vie incarnĂ©e de Dieu, alors, frères, nous comprenons cette page merveilleuse du Concile Vatican II : « En l’ouvrier JĂ©sus-Christ s’est incarnĂ© Dieu et en Lui tous les membres humains se sont Ă©levĂ©s Ă  la plus haute dignitĂ© divine. Â» De telle sorte que tout homme peut dire en regardant ses mains, il y eut des mains qui furent les mains de Dieu, et mes mains d’ouvrier peuvent ĂŞtre aussi les mains de Dieu si je m’identifie Ă  ce Christ qui est Dieu-ouvrier incarnĂ© en un Dieu qui s’incarne en un ouvrier.

 

Puissent toutes les professions – et je le rappelle ici en ce jour du travailleur qui est le jour de tous les hommes – sentir que ce que nous faisons, le travail que nous effectuons, soit pour servir nos prochains et pour gagner notre vie selon des moyens humains. Comme le Christ, nous pouvons mettre dans notre travail l’esprit du service de Dieu, du culte de Dieu. Mes membres humains baptisés se sont faits membres du Christ et en tant que membres du Christ, ils doivent avoir une perspective divine. La sueur de l’ouvrier, la préoccupation du professionnel, le travail sincère du politicien qui recherche le bien commun, s’identifient avec la pensée, avec la sueur, avec la main, avec les pas du Christ Dieu fait homme. 30/04/78, p. 199-200, IV.

 

 

C) Glorifiez en vos cœurs et en chaque homme, Jésus-Christ

 

C’est pourquoi, mes frères, je voudrais que nous relisions dans la seconde lecture (I Pie 3,15-18) ce que signifie pour nous cette inspiration du Christ. Glorifiez tous les ouvriers et tous les hommes. Comme nous dit Pierre (I Pie 3, 15-17) : « Sanctifiez dans vos cĹ“urs le Seigneur Christ, toujours prĂŞts Ă  la dĂ©fense contre quiconque vous demande raison de l’espĂ©rance qui est en vous. Mais que ce soit avec douceur et respect, en possession d’une bonne conscience, afin que, sur le point mĂŞme oĂą l’on vous calomnie, soient confondus ceux qui dĂ©crient votre bonne conduite dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si telle Ă©tait la volontĂ© de Dieu, qu’en faisant le mal. Â»

 

Il existe deux mondes qui composent le genre humain. Le monde sincère de ceux qui tentent de suivre le Christ qui inspire en nous l’agir, et le monde qui vit le dos tournĂ© au Christ, celui dont l’Évangile (Jn 14,15-21) d’aujourd’hui nous parle. (Jn 14,17) : « L’Esprit de vĂ©ritĂ© que le monde ne peut pas recevoir parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaĂ®t. Vous, vous le connaissez parce qu’Il demeure auprès de vous et qu’Il est en vous. Â» Le monde de ceux qui souffrent pour faire le bien et le monde de ceux qui souffrent pour faire le mal. Le monde de ceux qui sont torturĂ©s et qui sont injustement calomniĂ©s et persĂ©cutĂ©s, et le monde de ceux qui persĂ©cutent en pensant peut-ĂŞtre faire le bien, en tourmentant et en criblant les autres. Mais cela vaut la peine, nous dit le Christ, de mettre l’espĂ©rance dans notre cĹ“ur et de donner raison de cette espĂ©rance.

 

Je crois que notre Église de San Salvador donne raison de son espĂ©rance parce qu’elle ne met pas son espĂ©rance dans le pouvoir, ni dans l’argent, sinon qu’elle la place dans la source qu’est le Christ crucifiĂ©. Son espĂ©rance se situe dans sa fidĂ©litĂ© Ă  l’Évangile. Son espĂ©rance c’est d’être fidèle Ă  Dieu. C’est pour cela que je dis Ă  mes chers prĂŞtres, aux communautĂ©s religieuses, aux collèges catholiques, aux paroisses, les communautĂ©s ecclĂ©siales de base : ne vous laissez pas sĂ©duire ni par les flatteries du pouvoir et de l’argent, ni par les fausses idĂ©ologies, parce que lĂ  non plus ne se trouve pas la vĂ©ritable espĂ©rance. L’espĂ©rance vĂ©ritable ne se situe pas dans une rĂ©volution de violence et de sang, ni dans l’argent ou le pouvoir, ni dans la gauche ou la droite. L’espĂ©rance dans laquelle nous devons donner raison et pour laquelle nous parlons avec courage se trouve en Christ, qui mĂŞme après sa mort, mĂŞme après avoir Ă©tĂ© assassinĂ©, est Celui qui règne et tous ceux qui avec Lui ont prĂŞchĂ© sa justice, son amour, son espĂ©rance et sa paix.

 

C’est cela mes frères, le Christ-travailleur, le Christ qui dans un corps d’ouvrier incarne la dignité définitive de Dieu. Bienheureux les travailleurs en ce jour des travailleurs s’ils font consister leurs revendications sociales, que vous avez le droit d’avoir, en des demandes qui ne se fondent pas dans des idéologies de la terre, vous laissant séduire seulement par le pouvoir de la force brute qui se confronte avec d’autres forces brutes, mais dans la raison, dans la foi, dans l’espérance, dans le droit qui s’appuient en Dieu, source de tous les droits. 30/04/78, p.200-201, IV.

 

 

2) Quel est le dynamisme du Christ?

 

 

A) Je suis avec mon Père, vous ĂŞtes avec moi : quel est ce dynamisme?

 

Si le Christ est le modèle et la source de tout travailleur, oĂą est son dynamisme? Ce dimanche, prĂ©cisĂ©ment, nous nous prĂ©parons Ă  recevoir l’Esprit saint dans quinze jours, et nous entendons le Christ qui dit (Jn 14,16) : « Et Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Paraclet. Â» Celui qu’Il nomme : « Consolateur Â», « Esprit de vĂ©ritĂ© Â» ou « Consommation de l’unitĂ© Â». Frères, ce langage qui semble inintelligible dans l’Évangile est cependant le sommet du message d’aujourd’hui lorsque le Christ nous dit (Jn 14, 19-20) : « Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai avec vous. Encore un peu de temps et le monde ne me verra plus. Mais vous verrez que Je vis et vous aussi vous vivrez. Ce jour-lĂ , vous reconnaĂ®trez que Je suis en mon Père et vous en moi et moi en vous. Â» Voyez quel enchaĂ®nement plus sublime. (Jn 14, 21) « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-lĂ  qui m’aime. Or, celui qui m’aime sera aimĂ© de mon Père; et Je l’aimerai et Je me manifesterai Ă  lui. Â»

 

Qu’est-ce que cela veut dire? C’est la plus sublime révélation. Ta vie, travailleur, ta vie, petit pauvre qui vit dans une maison de carton ou le riche qui vit dans un palais! Ta vie n’a pas de sens si elle ne rencontre pas ce courant qui s’identifie au Christ, parce qu’uni au Christ tu es avec Dieu et Dieu est avec toi. C’est la dynamique du Christ, c’est cela l’énergie divine de l’Esprit. 30/04/78, p.201, IV.

 

B) Le dynamisme de l’Église n’est pas dans les hommes

 

C’est pourquoi l’Église, après vingt siècles, après tant de persĂ©cutions qui se sont produites avec une vĂ©ritable furie d’en finir avec elle, demeure prĂ©sente. Si ce n’avait Ă©tĂ© que d’elle, il y a longtemps qu’elle se serait Ă©teinte au Salvador. Mais la force, le dynamisme de cette Église ne proviennent pas des humains qui peuvent ĂŞtre très fragiles et très pĂ©cheurs. Cela ne me surprend pas lorsqu’on me traite de pĂ©cheur parce que je le suis. Et qui ne l’est pas? Et celui qui regarde la paille dans l’œil de l’autre oublie de regarder la poutre qui est dans le sien, la première chose qu’il devrait faire c’est d’enlever la poutre dans son Ĺ“il. Il est nĂ©cessaire que nous ayons cette perspective : l’Église persistera parce qu’elle est composĂ©e d’hommes et de femmes qui mettent leur confiance fragile en JĂ©sus-Christ, et le Christ est en Dieu et Dieu est en Christ et en nous. C’est un courant qui va de la terre jusqu’au ciel au moyen du Christ et qui par la mĂŞme voie descend du ciel vers la terre en nous apportant l’Esprit de Dieu, L’Esprit de vĂ©ritĂ©, l’Esprit de force. 30/04/78, p.202, IV.

 

 

C) Le secret de la véritable dynamique c’est l’amour

 

Très chers frères, en cette attente de la PentecĂ´te, en ce jour du travailleur, je vous invite Ă  faire de notre travail, quel qu’il soit, non pas un motif de division, de conflits, de rivalitĂ©s. Tous les travaux sont honorables, toutes les conditions sociales sont bonnes lorsqu’elles se laissent conduire par ce courant qui nous Ă©lève par le Christ jusqu’à Dieu et de Dieu provient l’amour aux humains. C’est pourquoi, le Christ pose comme prĂ©alable pour appartenir Ă  ce courant de demeurer en cette vie de Dieu, une condition indispensable : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Â» Et Ă  la fin de l’Évangile Il dit : « Celui qui accepte mes commandements et les garde, celui-ci m’aime. Â» C’est ici que se trouve le secret de la vĂ©ritable dynamique, c’est lĂ  que se situe la vĂ©ritable force du chrĂ©tien : l’Amour.

 

C’est pourquoi je ne me fatiguerai pas, mĂŞmes lorsque les forces rĂ©volutionnaires qui espèrent tout des mitraillettes et des choses qui ne peuvent semer la paix, sinon haine et rancĹ“ur. Ceux-ci veulent critiquer l’Église parce qu’elle ne veut prĂŞcher que l’amour ou ceux qui portent ce langage qui ne veut pas entendre l’amour que l’Église prĂŞche parce que c’est un amour dynamique, non pas un amour de mort, un amour conformiste, mais un amour qui lutte. Et en ce premier mai, je veux dire aux ouvriers qu’il est bien de lutter pour vos revendications, mais ne vous fiez pas uniquement Ă  la faible force de vos bras et de vos organisations. Je veux vous lire cette rĂ©flexion du Pape Paul VI lorsque dans « l’ÉvangĂ©lisation du monde actuel Â» il dit ceci : « L’Église s’efforce d’insĂ©rer toujours la lutte chrĂ©tienne pour la libĂ©ration dans le dessein de Salut qu’elle annonce. Â» Cela signifie que toutes ces luttes de libĂ©ration dans lesquelles se dĂ©mènent les ouvriers, les organisations, quiconque se regroupe pour dĂ©fendre un droit humain, une libĂ©ration, « l’Église ne les regarde pas avec indiffĂ©rence. Â» Mais cela ne signifie pas qu’elle s’identifie avec elles. Ce que l’Église fait est d’assumer l’effort libĂ©rateur des humains en l’insĂ©rant dans la perspective du Salut qu’elle prĂŞche. Parce qu’elle sait que tous saluts, que toutes libĂ©rations, que toutes revendications que les ouvrier, les paysans, les gens font, ne seront pas efficaces et ne connaĂ®tront pas de succès si elles ne s’incorporent pas au grand Salut que l’Église prĂŞche. L’Église est la libĂ©ratrice parce qu’elle prĂŞche l’œuvre du Christ. 30/04/78, p.202-203, IV.

 

 

3) Le Salut du Christ

 

Ceci est la dernière pensĂ©e de cette homĂ©lie : le Salut du Christ. Le grand Travailleur, le Christ, a fait une Ĺ“uvre qui durera pour les siècles des siècles, dans laquelle dureront aussi toutes les Ĺ“uvres de tous les travailleurs qui s’incorporent Ă  cette Ĺ“uvre rĂ©demptrice du Seigneur. Ici, il n’y a pas de petits travaux. Tout baptisĂ©, aussi humble soit-il, le paysan qui gagne sa vie avec une machette en accomplissant des travaux journaliers est aussi grand que le mĂ©decin avec son bistouri dans une salle d’opĂ©ration, que le politicien, s’il sait faire de son travail un service au Salut intĂ©gral de l’humanitĂ©. C’est ce que l’Église prĂŞche. C’est pour cela que l’Église ne peut ĂŞtre partiale avec aucune force libĂ©ratrice de la terre. L’Église ne peut pas ĂŞtre membre du Bloc Populaire RĂ©volutionnaire, elle ne peut ĂŞtre membre du FAPU, ni de la DĂ©mocratie ChrĂ©tienne, ni du P.C.N. ou d’ORDEN. L’Église ne peut ĂŞtre rien de cela. Mais elle dit aux uns et aux autres : « Courage dans les efforts de libĂ©rations vĂ©ritables Â», ainsi comme d’ailleurs « ceci est pĂ©chĂ© Â» lorsqu’on abuse du pouvoir ou lorsqu’on veut conduire la politique par des chemins tordus ou encore faire du capital financier une force d’exploitation de l’homme par l’homme. L’Église est libre de prĂŞcher Ă  un parti ou Ă  un autre, Ă  un groupe ou Ă  un autre sans appartenir Ă  aucun d’eux, elle possède l’autonomie pour dire ce qu’a dit Paul VI : « Elle tente toujours d’insĂ©rer la lutte chrĂ©tienne pour la libĂ©ration dans le dessein du Salut qu’elle annonce. Â» Le Salut que l’Église annonce est le Salut que prĂŞchait Philippe aux gens de Samarie, c’est la prĂ©dication qu’écrit Pierre dans son Ă©pĂ®tre d’aujourd’hui, c’est celle que Jean dans l’Évangile prĂŞche en ce dimanche dans le monde entier. 30/04/78, p. 203, IV.

 

 

A) La libération du péché avant tout

 

Le Christ nous le dit clairement aujourd’hui (Jn 14) : « Le monde ne peut recevoir l’Esprit parce qu’il ne le voit pas et ne le connaĂ®t pas. Â» Le monde du pĂ©chĂ©. C’est pour cela que l’Église sera toujours en conflit en ce monde parce qu’elle prĂŞche la libĂ©ration du pĂ©chĂ©. Et c’est le destin de l’Église d’être souvent en conflit avec les uns et avec les autres. Ceux qui se flattaient parce qu’ils croyaient qu’ils Ă©taient avec l’Église recevront un jour cette rĂ©ponse : « Non, Tu Ă©tais pĂ©cheur, tu n’es pas non plus avec moi. Â» La libĂ©ration du pĂ©chĂ©. L’Église ne serait pas l’Église de l’Évangile si elle Ă©tait bien avec une classe sociale sans dĂ©noncer ses pĂ©chĂ©s. L’Église n’est pas Évangile authentique du Christ si elle se laisse manipuler par des groupes qui sont avec les pauvres, mais qui leur enseignent des chemins de violences et de pĂ©chĂ©s. L’Église fait la promotion humaine dans l’amour. L’Église est amour mĂŞme si on ne veut pas le comprendre. C’est certain qu’il s’agit d’un amour fort, un amour qui comme celui des parents justes et qui corrigent leurs enfants, mĂŞme s’ils ne le veulent pas, parce que le pĂ©cheur ne veut pas ĂŞtre corrigĂ©. C’est pourquoi, l’Église est souvent traitĂ©e de traĂ®tre parce qu’en cela consiste son amour, Ă  vouloir les arracher de l’emprise du pĂ©chĂ© pour les mettre en chemin de conversion vers Dieu. Et si cela n’est pas ainsi, cela ne sera pas vĂ©ritablement de l’amour. 30/04/78, p.204, IV.

 

 

B) L’Église, Unique communauté dans l’amour, nous apporte la grâce et l’amour

 

Et finalement. Je reviens sur cette belle rĂ©vĂ©lation du Christ : « Vous en moi, moi dans le Père et le Père en vous et en moi. Â» L’unitĂ© vĂ©ritable. C’est pourquoi l’Église doit donner cette manifestation d’unitĂ© et de communion. Et lorsque souvent se donne le scandale de la dĂ©sunion, l’Église doit demander pardon parce qu’elle n’a pas toujours prĂŞchĂ© la vĂ©ritĂ©. Lorsque dans l’épisode de Philippe – dans la première lecture (Act 8,5-8. 14-17) – la nouvelle arrive Ă  JĂ©rusalem, l’autoritĂ© de l’Église signifiĂ©e en Pierre et en Jean vient Ă  Samarie pour prier, pour imposer les mains et donner l’Esprit. Nous disions que l’Esprit est l’énergie du Christ et qu’Il l’a laissĂ©e Ă  l’Église. Cette dernière l’administre dans sa communion, dans ses sacrements, dans sa vie liturgique et dans sa foi.

C’est pourquoi, ces moments, frères, où nous méditons la Parole de Dieu, vous et moi, sommes investis par l’Esprit saint. Les communautés qui réfléchissent en ce moment sur cette parole, savez-vous à quoi elles me font penser? Elles sont semblables à ces lignes à haute tension qui amènent le courant des barrages pour apporter de l’énergie à toute la république. Le grand dynamisme pour nous, c’est l’Esprit saint, nous dit le Christ. Le Christ qui vit avec et par son Esprit dans son Église. Branchés à ce dynamisme, les agents de pastorale, les communautés ecclésiales, le christianisme, transportent cette énergie, cet Esprit de Dieu à tous les citoyens. 30/04/78, p.204-205, IV.

 

 

C) Que faisons-nous en cette heure de notre patrie?

 

C’est pourquoi, mes frères, que faisons-nous en ces heures de notre Patrie? C’est très facile Ă  dire. Servons-nous de l’Esprit que le Christ nous a donnĂ©, que chaque chrĂ©tien tente d’être toujours davantage un dĂ©positaire de l’Esprit que le Christ nous apporta lorsqu’Il dit aux apĂ´tres : « Je ne vous laisserai pas orphelins, Je vous enverrai mon Esprit, mon dynamisme, ma vĂ©ritĂ©, mon unitĂ©, mon amour. En cela Je vous reconnaĂ®trai, en mon amour et l’amour au Christ se connaĂ®tra en ce que vous gardez mes commandements. Â»

 

C’est cela le christianisme salvadorien. Qui ne garde pas les commandements, la loi de Dieu, n’est pas un chrétien authentique.

Un appel Ă  la conversion

 

Que tous les foyers où n’est pas présente la bénédiction matrimoniale, soient bénis pour que là se fasse présent l’Esprit et l’amour à la loi de Dieu. Que tous ceux qui volent ou qui tuent, qu’ils cessent de tuer et de voler, parce que cela est désobéir à la loi du Seigneur qui commande de ne pas tuer et de ne pas voler. Que toutes nos institutions soient véritablement instruments de la loi du Seigneur. Nous n’avons pas besoin de changement de structures si tous ceux qui vivent dans les structurent accomplissent cette parole du Christ. Aimez le Christ en accomplissant la loi. 30/04/78, p.205, IV.