Le Bon Pasteur

 

Quatrième dimanche de Pâques; 16 avril 1978, Lectures : Actes 2,14a.36-41; I Pierre 2,20b-25; Jean 10,1-10.

 

 

Plan de l’homĂ©lie :

1) Les circonstances où fut proclamée la Résurrection du Christ

(Nous devons avoir cela à l’esprit si nous voulons que l’Évangile du Christ ressuscité soit celui qui illumine notre histoire.)

2) Ce message du Christ ressuscité se présente aujourd’hui sous la figure d’un pasteur

(C’est l’image que nous devons apporter Ă  notre foyer, Ă  notre sociĂ©tĂ©, Ă  notre milieu : le Christ est le Bon Pasteur. Il vit aujourd’hui comme un pasteur qui aime ses fidèles.)

3) Nous sommes son troupeau. Son message s’adresse au peuple comme une vocation, un appel.

 

 

1) Les circonstances où fut proclamée la Résurrection du Christ

 

 

A) Annonce et dénonciation de la proclamation du message chrétien

 

La première idĂ©e est la suivante : le message chrĂ©tien est prononcĂ© dans des circonstances concrètes. Et cela n’est pas une modalitĂ© de notre temps, l’homĂ©lie signifie exactement cela. L’homĂ©lie signifie l’humble sermon du pasteur qui cĂ©lèbre la Parole de Dieu pour dire Ă  ceux qui l’entendent que cette Parole de Dieu n’est pas une parole abstraite, Ă©thĂ©rĂ©e, mais une parole qui s’incarne dans la rĂ©alitĂ© oĂą vit cette assemblĂ©e qui mĂ©dite.

 

 

Le Christ a ressuscité, vous L’avez tué

 

Je souligne ceci – mĂŞme si je le rappelle chaque dimanche –, parce qu’aujourd’hui je remarque dans les trois lectures, exactement ceci : d’abord dans le sermon de Pierre (Ac 2,14a.,36-41), sur qui vient de descendre l’Esprit saint, premier sermon chrĂ©tien, oĂą l’apĂ´tre apparaĂ®t Ă  l’entrĂ©e du CĂ©nacle. Il prĂŞche et convertit les trois milles premiers ChrĂ©tien. Ce premier sermon, qui est un modèle de prĂ©dication, ne fait pas abstraction des circonstances, il annonce cette grande nouvelle : le Christ est ressuscitĂ© pour l’espĂ©rance et le pardon de ceux qui Le suivent.

 

Mais dans son sermon, Pierre, en mĂŞme temps qu’il annonce les merveilles de la RĂ©surrection, dĂ©nonce le grand pĂ©chĂ© des hommes : « Vous l’avez tuĂ©! Â» Si bien que la lecture d’aujourd’hui nous rapporte que les cĹ“urs des hommes prĂ©sents furent remuĂ©s. Que ferons-nous frères? C’est ce que veut l’Église : inquiĂ©ter les consciences, provoquer des crises aujourd’hui mĂŞme. Une Église qui ne provoque pas de crises (de conscience), un Évangile qui n’inquiète pas, qui ne suscite pas de doutes, de questionnements, une Parole de Dieu qui ne touche pas au pĂ©chĂ© concret de la sociĂ©tĂ© oĂą elle est annoncĂ©e, quel Évangile est-ce? Il est facile d’exprimer des considĂ©rations pieuses qui ne dĂ©rangent personne, et c’est ainsi que plusieurs voudraient que soit la prĂ©dication. Et ces prĂ©dicateurs qui pour ne pas dĂ©ranger, pour ne pas avoir de conflits ou de difficultĂ©s, Ă©vitent toutes questions Ă©pineuses, n’éclairent pas la rĂ©alitĂ© oĂą ils vivent, ils n’ont pas le courage de Pierre pour dire Ă  cette foule qui a encore les mains tachĂ©es du sang de la mort du Christ : « Vous l’avez tuĂ©! Â» MĂŞme si cette dĂ©nonciation pouvait lui coĂ»ter la vie, il la proclame courageusement. C’est le vaillant Évangile, c’est la Bonne Nouvelle de Celui qui vient pour enlever les pĂ©chĂ©s du monde.

 

 

Le Christ, humble, est amenĂ© au gibet. La cause : le pĂ©chĂ© et l’égarement des hommes.

 

Nous avons, par exemple, dans la seconde lecture (P 2,20b-25) où sont annoncées les merveilles du Christ humble qui, comme un agneau, fut conduit à l’abattoir. Cependant, Pierre, dans cette première épître, dénonce les causes de cette mort, c’est-à-dire le péché et l’égarement des hommes, mais il se réjouit du fait que déjà plusieurs soient revenus de leurs mauvais chemins pour former la communauté du Christ.

 

Nous sommes pĂ©cheurs, et moi le premier. J’ai offensĂ© le Seigneur. Mais grâce Ă  Dieu nous avons entendu un jour cet appel qui nous signalait nos pĂ©chĂ©s et au lieu de nous en offenser et de nous refermer dans notre orgueil, en calomniant l’Église parce qu’elle nous dĂ©range, nous avons mieux accueilli son message. En ce jour, cette brebis Ă©garĂ©e que je fus, qui peut ĂŞtre chacun d’entre nous, s’approcha humblement du Seigneur pour lui demander pardon, grâce Ă  une parole entendue, et au fait qu’il y eut quelqu’un qui Ă©claira ma conduite mauvaise. C’est cela le rĂ´le de l’Église : ne pas faire abstraction des circonstances et dire aux hommes leur propre pĂ©chĂ© pour qu’ils s’en repentent.

 

Je suis la porte, celui qui entre par un autre côté est un brigand

Et surtout, frères, l’Évangile d’aujourd’hui (Jn 10,1-10), quelles paroles plus courageuses du Christ qui utilise cette comparaison (10, 1) : « En vĂ©ritĂ©, en vĂ©ritĂ©, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos des brebis, mais en fait l’escalade par une autre voie, celui-lĂ  est un voleur et un brigand. Â» Voyez comme dans ces paroles du Christ, de qui nous espĂ©rons toujours l’amour, la douceur, lorsqu’il est nĂ©cessaire d’employer le fouet pour châtier les voleurs et les bandits, pour leur dire : celui qui n’est pas le pasteur, n’entre que pour tuer, pour voler et pour maltraiter! Le fouet du Christ frappa dur sur tous les outrages de son temps. Il sentait que la synagogue avait perdu son sens d’être la reprĂ©sentation de la misĂ©ricorde de Dieu. Les pasteurs d’IsraĂ«l, dĂ©jĂ  dĂ©noncĂ©s par les prophètes, au temps du Christ, s’étaient convertis en de mauvais pasteurs.

 

L’épisode de cette comparaison du Bon Pasteur se produit peu après l’épisode de l’aveugle de naissance que les pharisiens, au lieu de se rĂ©jouir parce qu’il avait retrouvĂ© la vue, excommunièrent : « Pourquoi t’es-tu laissĂ© soigner un jour de sabbat. Â» Ils Ă©taient plus prĂ©occupĂ©s par la lĂ©galitĂ© que par la misĂ©ricorde. Ce sont ceux-lĂ  que fustigea le Seigneur, ces pharisiens hypocrites, ces pasteurs Ă©goĂŻstes, ces synagogues sans misĂ©ricorde, ces autoritĂ©s ecclĂ©siales de son temps. Le Divin Prophète, le Christ Notre Seigneur fut dur envers le pĂ©chĂ©, peu importe d’oĂą il provient; que ce soit d’HĂ©rode ou de Pilate, des pontifes, des prĂŞtres. Il les reprend et c’est Ă  eux qu’Il adresse cette comparaison, pour qu’ils apprennent Ă  ĂŞtre comme Lui qui est le Bon Pasteur et pour que son Église soit ce qu’elle se doit d’être : une maison de la misĂ©ricorde du Seigneur, oĂą les pĂ©cheurs ne rencontrent pas le reproche, l’excommunication, la duretĂ©, sinon l’accueil, le rĂ©confort de Notre Seigneur qui les appelle au pardon.

 

 

L’heure du Salvador

 

Voyez comme les trois lectures d’aujourd’hui sont le modèle de la prédication de l’Église. Elles annoncent les merveilles de la Résurrection, mais n’oublient pas les circonstances concrètes du péché au milieu duquel est proclamée cette merveille. C’est pourquoi, mes frères, par cela je veux justifier la pertinence actuelle de mes homélies. Je ne serais pas non plus le prédicateur de la Parole de Dieu si je ne tenais pas compte de cette parole du Bon Pasteur, en ce dimanche d’avril 1978 qui est vécu dans un contexte si tragique où nous avons besoin que sur ces traces de sang, de douleur, de dépression, de désolation, se démarque cette belle figure du Bon Pasteur. Nous ne comprendrions pas toute la tendresse du Christ en cette heure du Salvador, si nous ne tenions pas compte de l’actualité.

 

Qu’est-ce que cette heure du Salvador? Cela semble ĂŞtre irrĂ©el! Comme est dense notre histoire, dimanche après dimanche! Quand j’ai fini de parler, je me demande : et dimanche prochain qu’est-ce que je vais dire? Ayant l’impression d’avoir tout dit. Cependant, l’autre dimanche arrive et il apporte tant d’histoires, avec cette densitĂ© que nous pouvons affirmer que nous vivons en ce moment dans notre pays, une heure oĂą nous sommes les protagonistes de choses très dĂ©cisives. 16/04/78, p.161-164, IV.

 

 

Différence entre l’Église et le Bloc Populaire Révolutionnaire

 

Si l’Église possède des perspectives de justice sociale, de charité, qui ne sont pas conformes avec l’ordre actuel d’injustice qui prévaut, cela ne veut pas dire qu’elle s’identifie avec tous ceux qui veulent également ce même changement. L’Église a une perspective pleinement évangélique, c’est l’Évangile qui lui inspire son accueil du paysan qui n’a pas d’endroit où passer la nuit, qui a faim et que nous nourrissons. C’est l’inspiration de l’Évangile que l’Église porte quand elle veut secourir les nécessiteux et plaider en faveur des justes revendications. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle s’identifie à d’autres groupes.

 

Que cela soit bien clair, parce que l’Église ne peut s’identifier à aucun parti politique ni à aucune organisation de caractère politique, sociale ou coopérative. L’Église ne possède pas de système, elle ne possède pas de méthode, elle ne possède que l’inspiration chrétienne, une obligation de charité qui la presse d’accompagner ceux qui souffrent des injustices, et d’accompagner aussi, les justes revendications du peuple. Oui, là l’Église est présente, mais sans s’identifier avec les systèmes et les méthodes. Je le répète que cela demeure bien clair parce que je ne suis pas directeur d’aucune organisation politique. Je ne suis, ni mes prêtres ne doivent être, des leaders de ces groupes. S’il existe des coïncidences objectives, ce sont les perspectives de l’Évangile qui l’illuminent.

 

 

Le système actuel a provoqué l’affrontement entre les paysans

 

Ă€ ce sujet, prĂ©cisĂ©ment parce qu’elle ne se confond pas avec aucun secteur, parti, mĂ©thode, ou organisation, l’Église demeure en situation d’indĂ©pendance pour pouvoir critiquer le nĂ©gatif qu’on retrouve dans chaque organisation. Et je dirais sans ambages comme je l’ai dĂ©jĂ  dit qu’autant dans les organisations du Bloc Populaire RĂ©volutionnaire (BPR), que dans d’autres organisations Ă  caractère plus officiel, l’Église dĂ©nonce le pĂ©chĂ© oĂą qu’il soit. Et l’un des pĂ©chĂ©s plus grands est celui-ci, frères, et cela me fait très mal : que le système actuel de notre patrie est parvenu Ă  provoquer l’affrontement entre paysans. La mĂŞme faim qui est l’angoisse du Bloc est la mĂŞme faim qui est Ă©galement l’angoisse de l’homme de ORDEN (groupe paramilitaire). Et pensez Ă©galement que le soldat de nos forces armĂ©es provient Ă©galement de cette mĂŞme paysannerie. Et quand je vois les policiers qui Ă©pient les paysans, des paysans qui surveillent d’autres paysans, ORDEN qui s’affronte au BPR, je dis : « Combien satanique a dĂ» ĂŞtre ce système pour tirer profit de la faim des hommes en leur faisant gagner leur pain en persĂ©cutant, en se faisant des ennemis, en divisant, alors qu’ils vivent tous dans la mĂŞme pauvretĂ©! Â» Au lieu de les aider par un dialogue constructif afin que les uns et les autres parviennent Ă  une atmosphère plus respirable, Ă  l’air libre, on les a conduits Ă  l’affrontement. Les uns profitent des occasions qu’ils ont parce qu’ils appartiennent Ă  quelque chose d’officiel, tandis que les autres en tant que marginalisĂ©s luttent pour faire valoir leurs justes revendications. C’est pourquoi je rĂ©pète que ce ne sont ni les rĂ©pressions, ni les violences qui vont rĂ©gler cette situation. Il est nĂ©cessaire qu’une saine et authentique dĂ©mocratie ouvre les canaux du dialogue pour entendre les angoisses que possède le peuple, les paysans, pour avoir des lois et des organisations oĂą l’on puisse respirer une atmosphère de justice et de paix. Tant qu’il n’y aura pas ces canaux, tous les rapiéçages, et encore moins ceux qui sont faits avec violence, ne font que, comme disait le Christ, rompre les vieux tissus et empirer la tragique situation qui est la nĂ´tre. […]

 

L’Église fait la promotion de la personne humaine, elle dit aux personnes de se dĂ©fendre leurs droits, de se distinguer, que s’il est certain qu’ils sont marginalisĂ©s, ils possèdent aussi leur part de responsabilitĂ©. L’Église ne peut approuver la paresse qui provoque aussi cette pauvretĂ©. Qu’ils comprennent bien ceci : lorsque nous disons « l’Église des Pauvres Â», nous ne disons pas l’Église des fainĂ©ants, des voleurs et des brigands, des prostituĂ©es qui gagnent leur vie par le pĂ©chĂ©. Cela non! Mais si nous disons « l’Église des Pauvres Â», de ceux qui doivent apprendre que leur pauvretĂ©, leur mansarde, leur campagne, ne sont pas des traits pour qu’ils se sentent diffĂ©rents des autres hommes, parce que le Seigneur nous a tous faits Ă  l’image de Dieu et nous devons respecter cette dignitĂ©. Cela n’est pas du communisme, cela n’est pas de la subversion, cela c’est l’Évangile de Celui qui est venu donner sa vie pour tous les hommes sans exception ni acception de personne. 16/04/78, p.166-169, IV.

 

 

2) Ce message du Christ ressuscité se présente aujourd’hui sous la figure d’un pasteur

 

C’est cela la figure centrale, c’est le second point de mon homĂ©lie de ce matin : le Bon Pasteur. Les lectures (Ac 2,14,36-41; P 2,20-25; Jn 10,1-10) nous le prĂ©sentent sur un fond de circonstances reliĂ©es au pĂ©chĂ©. Il n’est plus nĂ©cessaire de le rĂ©pĂ©ter, vous n’avez qu’à relire attentivement Ă  combien de dĂ©nonciations et Ă  combien de pĂ©chĂ©s fait rĂ©fĂ©rence saint Pierre dans son premier sermon, dans sa première Ă©pĂ®tre. De mĂŞme, saint Jean, dans son propre Évangile qui malgrĂ© le fait qu’il soit si mystique, si Ă©levĂ©, possède cependant, des dĂ©nonciations très concrètes adressĂ©es aux hommes de l’histoire. C’est ainsi que s’explique pourquoi les apĂ´tres vĂ©curent des conflits et moururent martyrs, parce que personne ne tolĂ©rait de se faire mettre en plein visage son pĂ©chĂ©, Ă  part l’humble qui recherchait ce que recherche l’Église : la conversion. […]

 

 

Seigneur et Messie humilié

 

Saint Pierre dans son premier sermon dit : Dieu le constitua pour la RĂ©surrection « Seigneur et Messie Â». Quelle expression plus riche! Cela signifie que le Christ, tant qu’Il vĂ©cut incarnĂ© dans cette humanitĂ© comme les hommes de son temps, Il ne se distinguait pas des hommes qui allaient par exemple Ă  la synagogue, comme vous venez Ă  la messe. Si le Christ vivait aujourd’hui, Il serait ici parmi nous et nous ne le reconnaĂ®trions pas. Le Christ Ă©tait un homme comme nous tous. Mais, quand est arrivĂ©e son heure, et Il dit : « L’heure de mon exaltation est arrivĂ©e Â», Ă  partir de lĂ  nous allons pouvoir distinguer le Seigneur, d’abord humiliĂ© comme nul autre. Et ici nous avons la seconde lecture, cette belle Ă©pĂ®tre de saint Pierre qui ressemble Ă  une page d’IsaĂŻe : silencieuse, la brebis est conduite Ă  l’abattoir, Il nous enseigna par son humble attitude comment nous devons souffrir. Il est le Messie qui incarne toutes les promesses de l’Ancien Testament : Il portera sur ses Ă©paules tous nos pĂ©chĂ©s.

 

Et saint Pierre dit que ce Christ est notre Sauveur prĂ©cisĂ©ment par sa souffrance. Ceux qui attendaient le Messie avec un esprit triomphaliste furent dĂ©sillusionnĂ©s comme les disciples d’EmmaĂĽs qui retournaient dans leur village « parce qu’il y a trois jours qu’ils L’ont tuĂ© et qu’ils en finirent avec Lui. Â» Ces disciples s’attendaient Ă  une libĂ©ration politique. C’est pour cela que le Christ les reprend en disant (Lc 24,25) : « Ă”, cĹ“urs sans intelligence, lents Ă  croire Ă  tout ce qu’ont annoncĂ© les prophètes! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire. Â» C’est cela la condition du Christ. C’est pourquoi, frères, je vous dis : l’Église ne peut ĂŞtre confondue avec aucun autre mouvement libĂ©rateur ni avec le Bloc Populaire RĂ©volutionnaire ni avec le Parti Communiste, ni avec rien de cette terre. Tout ce qui se dit en ce sens n’est que vile calomnie. L’Église est ce Christ qui dit : Il Ă©tait nĂ©cessaire de souffrir, il n’existe pas de libĂ©ration sans croix, il n’y a pas de libĂ©rations authentiques sans espoir d’une autre vie. Oui, il faut travailler pour une terre plus juste, mais en n’espĂ©rant pas ici-bas le paradis. Le Messie nous parle d’une libĂ©ration payĂ©e au prix du sang et de la douleur. Combien d’espoir donne aux libĂ©rateurs d’aujourd’hui cet enseignement du Christ : du Bon Pasteur qui donne sa vie.

 

 

Messie et Seigneur : Kyrie, Empereur, Roi

 

Non pas par un triomphalisme ostentatoire de vanitĂ©, mais avec la rĂ©alitĂ© divine qui ne le rend pas omnipotent, qui le fait prĂ©sent dans son Église, qui le fait constructeur de l’histoire, qui en fait la pierre fondamentale de tous les mouvements humains, qui fait de Lui la boussole qui oriente l’histoire entière vers sa vĂ©ritable destinĂ©e, Seigneur de l’histoire, Seigneur des temps, Seigneur de l’éternitĂ©. Il est la clĂ© qui inclut le passĂ©, le prĂ©sent et le futur. « Christ toujours Â», dit saint Paul. Christ Seigneur, Christ vit, Christ est ressuscitĂ© et la mort ne le dominera plus. Mais c’est un Christ qui se prĂ©sente comme le Bon Pasteur. Quoi de plus merveilleux que de penser que ce roi puissant, ce roi, cet homme qui porte les marques de toutes les souffrances converties maintenant en Ă©toiles glorieuses, en notre grand LibĂ©rateur, c’est notre grand Pasteur!

 

Je vous invite Ă  ne pas venir Ă  la messe sans enlever de votre cĹ“ur ces amertumes que souvent nous laissent les pessimistes parce qu’ils ont perdu l’espĂ©rance. Je vous invite, ce matin, Ă  Ă©veiller dans votre cĹ“ur la magnanimitĂ©, l’allĂ©gresse de ceux qui ont l’espĂ©rance. Je vous y invite tous. J’insiste sur le cĹ“ur de ceux qui gouvernent, de ceux qui dirigent avec leurs capitaux les destinĂ©es de notre patrie. De mĂŞme que les paysans, les pauvres, les ouvriers, les marginaux, pour que nous nous disions les uns aux autres : il n’y a pas de RĂ©demption si elle ne vient du Christ. Puis, les uns les autres, nous nous tairons, au lieu de nous haĂŻr, en nous aimant et en espĂ©rant du Bon Pasteur qu’Il conduise ce peuple. Lui seul peut le conduire, il n’existe pas d’autre guide de notre peuple. Si surgissent des dirigeants qui prĂ©tendent se passer du Christ, Il a dĂ©jĂ  lui-mĂŞme lancĂ© sa condamnation contre eux. « Personne ne peut diriger un peuple sans passer par la porte que Je suis. Et si quelqu’un est entrĂ© par un autre endroit, il s’agit d’un voleur et d’un bandit et ceux qui sont entrĂ©s non pas avec l’esprit d’un pasteur, mais avec celui de tirer profit de la situation, ils viennent pour voler, pour Ă©gorger et faire pĂ©rir. Â» Nous pourrions dire cela de plusieurs qui n’ont rien du Bon Pasteur, qui ne se prĂ©occupent aucunement du bien commun, qui ne s’importent que de retirer des avantages, d’avoir une situation et, cette situation, ils veulent la maintenir en employant la force brute qui n’est pas rationnelle. C’est ici, alors, que nous avons la figure du Bon Pasteur, celle qui doit inspirer le père de famille, la mère de famille, l’évĂŞque, le gouvernement, le riche, le pauvre, l’inspiration du ChrĂ©tien : le Bon Pasteur, Christ Messie et Seigneur. 16/04/78, p.170-172, IV.

 

 

3) Nous sommes son troupeau. Son message s’adresse au peuple comme une vocation, un appel.

 

La troisième rĂ©flexion est la suivante : nous sommes les fils de ces circonstances, nous vivons, nous sommes les protagonistes des circonstances de notre patrie, mais grâce Ă  Dieu nous sommes chrĂ©tiens et nous croyons dans le Bon Pasteur. Alors quoi? Alors, ta responsabilitĂ© est personnelle.

 

 

Le Pasteur qui fait appel Ă  la collaboration

 

Ce Bon Pasteur, comme Il nous est prĂ©sentĂ© dans les trois lectures d’aujourd’hui, nous appelle Ă  la collaboration. Voyez la première lecture (Ac 2,14,36-41), saint Pierre dit que « Dieu, par le Christ, nous a donnĂ© le pardon des pĂ©chĂ©s et le don de l’Esprit saint Â», parce que cette promesse que Dieu a faite en JĂ©sus-Christ vaut pour vous tous, pour tous ses fils et ses filles, pour tous ceux que le Seigneur appelle.

 

Il est heureux, en ce jour des vocations, de penser que la première vocation est celle que vous avez de venir à la messe parce que vous êtes chrétiens. Ma mère me fit baptiser et depuis ce jour je suis chrétien. Le Seigneur m’appela par le cœur de ma mère. Ainsi, tous ceux qui sont ici ont été baptisés, ont été appelés à recevoir cette promesse de pardon, ce don de l’Esprit saint est pour nous tous, l’Esprit saint, l’Esprit du Christ Notre Sauveur.

 

 

Collaboration dans la souffrance

 

Dans la seconde lecture (I Pie 2,20b-25), nous rencontrons aussi ce concept vocationnel lorsque Pierre dit (2,20-21) : « Si faisant le bien vous supportez la souffrance, c’est une grâce auprès de Dieu. Or c’est Ă  cela que vous avez Ă©tĂ© appelĂ©s, car le Christ aussi a souffert pour vous… Â» Frères, celui qui pense que le christianisme est une clĂ© pour ne pas souffrir est dans l’erreur. Celui qui a dĂ©jĂ  cessĂ© de prier parce qu’il demandait au Seigneur d’être guĂ©ri d’une maladie ou de trouver un meilleur sort et dit : « Si Dieu ne m’entend pas, que je continue d’être pauvre, dans la misère et malheureux, je ne prie plus. Â» Celui-lĂ  n’a pas compris la dignitĂ© de sa vocation. Nous sommes appelĂ©s Ă  souffrir, Celui qui n’avait pas de pĂ©chĂ© c’est le Christ et c’est Lui cependant qui a souffert le plus. Et comme nous sommes rĂ©unis dans cette Église de la Vierge, pensons qu’avec le Christ, l’Innocent, la Sainte Vierge qui n’avait pas de taches, souffrit Ă©galement auprès de la croix les sept Ă©pĂ©es qui furent plantĂ©es dans son cĹ“ur. Parce que c’est Ă  cela que le Christ nous appelle : Ă  souffrir. Mais Ă  souffrir en faisant le bien.   Observez quel contraste, quelle politique que celle de Dieu! De sorte que la rĂ©compense pour faire le bien ne va pas ĂŞtre d’être bien. Saint Pierre nous dit clairement dans son Ă©pĂ®tre d’aujourd’hui : « Ĺ’uvrer pour le bien et souffrir. Â» Quelle chose plus belle devant Dieu! C’est pour cela que vous avez Ă©tĂ© appelĂ©s, puisque le Christ aussi a souffert.

 

C’est pourquoi je vous dis qu’une libĂ©ration qui ne veut pas ĂŞtre gagnĂ©e sur la base de la douleur, des souffrances (des sacrifices), n’est que pur mensonge. Il n’existe pas de paradis sur cette terre. La libĂ©ration complète se rĂ©alisera par-delĂ  notre mort, mais elle doit dĂ©jĂ  commencer Ă  se rĂ©aliser sur cette terre. Il est nĂ©cessaire pour cela de se dĂ©sinstaller. Cela m’attriste qu’en cette heure oĂą le peuple ne supporte plus cette situation, il y ait tant de gens indiffĂ©rents parce qu’ils prĂ©fèrent, comme ceux d’Égypte, continuer de manger des oignons, qui protestent contre MoĂŻse parce que dans le dĂ©sert ils souffrent le chemin de leur libĂ©ration : « Pourquoi nous as-tu fait sortir d’Égypte? MĂŞme si nous Ă©tions esclaves, nous Ă©tions mieux, nous mangions de la viande, nous avions des oignons. Â» C’est ainsi qu’est la condition de plusieurs, ils prĂ©fèrent ĂŞtre bien. Jusqu’à quand? Mais la libĂ©ration dĂ©finitive suppose la souffrance, le passage par le tunnel obscur comme fut la passion du Christ. Et saint Pierre nous encourage, c’est une passion qui est brève (en regard de l’éternitĂ©).

 

Brève est cette souffrance, mais il faut l’accepter avec toute l’allégresse avec laquelle le Christ embrassa sa croix et marcha jusqu’au Calvaire. Il tombe et au lieu de demeurer au sol, Il se relève trois fois, jusqu’à ce qu’on le cloue sur la croix parce qu’Il sait que c’est seulement ainsi que sera consommée la Rédemption. Tout cela est accompli jusqu’à l’épuisement. Je vous appelle, frères, à ce que comme chrétiens nous n’ayons pas peur de la souffrance, sinon que nous la sentions comme une vocation intrinsèque de tout chrétien.

Tous ceux qui veulent être sauvés doivent entrer par le Christ

L’Évangile (Jn 10,1-10) nous prĂ©sente Ă©galement le sens de cette vocation (10,9) : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvĂ©; il entrera et sortira, et trouvera un pâturage. Â» Nous avons ainsi un appel gĂ©nĂ©ral. Tous ceux qui veulent ĂŞtre sauvĂ©s doivent entrer par le Christ. Sans le Christ il n’y a pas de Salut. Si nous, qui avons l’honneur d’être pasteurs, ne l’étions pas, si nous n’avions pas Ă©tĂ© appelĂ©s par cette porte. Le vĂ©ritable Ă©vĂŞque, le vĂ©ritable curĂ©, le Pape authentique et unique est celui qui est entrĂ© par la porte qu’est le Christ. […] Celui qui n’entre pas par la porte qu’est le Christ est un voleur (cf. Jn 10,1). Et seul celui qui entre par le Christ et en son nom prĂŞche et annonce sa parole, celui-lĂ  est pasteur.

 

C’est cela, le critère, entrer par la vraie porte, non par les fenĂŞtres ou les fentes. Alors, mes frères, c’est ici que vient la vocation. Je termine en vous lisant cette merveilleuse pensĂ©e de Paul VI pour ce jour : « Quand JĂ©sus parle du pasteur et de la bergerie, Il se prĂ©sente Lui-mĂŞme comme le Bon Pasteur et Il se rĂ©fère Ă  la communautĂ© des croyants, son Église, comme un bercail ouvert pour accueillir toute l’humanitĂ©. Maintenant, pour bien comprendre le sens et la valeur de la vocation, il est nĂ©cessaire de fixer notre cĹ“ur et notre esprit sur ces deux rĂ©alitĂ©s : le Christ et l’Église. C’est ici que se trouve la lumière, accueillons-la comme appuie, pour persĂ©vĂ©rer dans la vocation comprise dans toute sa profondeur, librement choisie et fortement aimĂ©e. Regardez le Christ, nous nous adressons aux jeunes en particulier, avec une affection paternelle et une grande confiance. Regardez JĂ©sus de Nazareth fils d’homme et Fils de Dieu, PrĂŞtre SuprĂŞme du Peuple de Dieu, Pasteur Ă©ternel de son Église qui a offert la vie pour son troupeau en jouant le rĂ´le du serviteur, Il s’est fait obĂ©issant jusqu’à la mort sur la croix. Â» Après le Pape explique un profond sens thĂ©ologique : « Du Christ, qui est l’unique PrĂŞtre et pasteur de tous les hommes, dĂ©rive son sacerdoce et sa prĂ©occupation pastorale pour tous les hommes qui sont appelĂ©s Ă  ĂŞtre prĂŞtre ou pasteur. Â» C’est pourquoi la vocation des sĂ©minaristes, des Ă©vĂŞques et des prĂŞtres ne se comprend pas sans tenir compte du Christ qui est l’unique PrĂŞtre, ni ne s’entend, non plus, sans l’Église qui est le troupeau du Christ oĂą le Christ est le Pasteur et nous ne sommes que sa prĂ©sence visible au milieu du peuple.

 

 

Pensée qui nous conduit à l’autel

 

Prions beaucoup le Bon Pasteur pour que sa présence vaillante et éclairante continue dans le monde par la voix de ses pasteurs et pour que continue d’être accueillie la vocation au christianisme par les hommes qui furent baptisés, y compris ceux qui ont perdu, peut-être, la marque chrétienne. Qu’ils sachent qu’être chrétien c’est être appelé à la souffrance, à la croix qui sauve le monde et qu’ils n’aient pas peur, à l’heure de l’épreuve, d’embrasser fortement cette croix. Que les jeunes comprennent le haut dessein auquel Dieu les convie afin d’utiliser leur visage comme signe de sa présence en ce monde. Leurs mains comme celles du Christ firent des dons et des offrandes d’amour, leurs pieds pour parcourir tous les chemins de l’Histoire en apportant la Rédemption et le Salut. Le Christ a besoin de nous, et en ce dimanche du Bon Pasteur, dimanche des vocations, grâce à Dieu nous avons une Église où abondent et vont abonder davantage les jeunes, garçons et filles, anxieux de suivre Notre Seigneur Jésus-Christ. 16/04/78, p.172-175, IV.