Dieu nous appelle Ă  construire notre histoire avec Lui

 

Cinquième dimanche du temps ordinaire; 10 février 1980; Lectures Isaïe 6,1-22)2-9; I Corinthiens 15,1-11; Luc 5,1-11.

 

Les lectures d’aujourd’hui nous offrent les critères de sĂ©rĂ©nitĂ© et d’efficacitĂ© pour ĂŞtre ce que tout Salvadorien doit ĂŞtre : artisan de la destinĂ©e du pays Ă  la lumière de la foi. Je voudrais toujours, surtout en ces heures de confusion, de psychose, d’angoisse collective, ĂŞtre un messager d’espĂ©rance et d’allĂ©gresse. Et il existe des raisons Ă  cela : le clair horizon que nous prĂ©sente la Parole. La RĂ©vĂ©lation de Dieu, n’est pas pour nous affliger, c’est un horizon dans le ciel salvadorien qui indique la sortie lumineuse de cette situation. Puisse Dieu que nous comprenions tous Ă  la lumière des paroles du Seigneur, ce matin, combien nous pouvons faire chacun d’entre nous, mĂŞme le plus humble parmi ceux qui sont ici, pour donner une rĂ©ponse d’espĂ©rance, d’allĂ©gresse, aux afflictions du moment!

 

Au-dessus de la tragĂ©die, du sang et de la violence, il y a la Parole de foi et d’espĂ©rance qui nous dit : il existe une solution, il y a un espoir, nous pouvons reconstruire notre pays. Les chrĂ©tiens sont porteurs d’une force unique, servons-nous en! C’est pourquoi, je dĂ©sire intituler mon homĂ©lie d’aujourd’hui avec ces mots : Dieu nous appelle Ă  construire avec Lui notre Histoire. Vraiment, il ne s’agit pas lĂ  d’une considĂ©ration pieuse pour sortir, pour nous Ă©vader de la rĂ©alitĂ©; au contraire, c’est pour nous immerger plus profondĂ©ment dans notre rĂ©alitĂ©. Ce que les lectures d’aujourd’hui nous prĂ©sentent, je les rĂ©sume par ces trois pensĂ©es :

 

Plan de l’homĂ©lie :

 

1) La rencontre de l’humain avec Dieu

2) Dieu offre à l’humain le projet de la Libération authentique

3) L’engagement chrétien de construire l’Histoire selon le projet de Dieu

 

1) La rencontre de l’humain avec Dieu

 

A) L’épisode de la pêche

 

Il est merveilleux de savoir qu’il existe un rendez-vous avec Dieu pour chacun d’entre nous. L’épisode de la pĂŞche est pittoresque. Ils ont passĂ© toute la nuit Ă  se fatiguer Ă  pĂŞcher et ils n’ont rien pris. Au matin, le Christ leur dit (Lc 5,4-5) : « Avancez en eau profonde et lâchez vos filets pour la pĂŞche. Â» Simon rĂ©pondit : « MaĂ®tre, nous avons pĂŞchĂ© toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais lâcher mes filets. Â»

 

Pierre découvre le Seigneur

 

Telle fut la pĂŞche et saint Pierre sent que Dieu est lĂ  et il sent alors que Dieu s’est approchĂ© des hommes et il tombe Ă  genoux et lui dit : « Seigneur! Kyrie! Souverain! Transcendant! Tout-Puissant! Je ne suis qu’un pĂ©cheur, Ă©loigne-toi de moi. Â» C’est le moment de la rencontre de l’homme avec Dieu.

 

Théophanie solennelle

 

Dans la première lecture d’aujourd’hui, comme apparait prĂ©cieuse la thĂ©ophanie qu’IsaĂŻe dĂ©crit comme le prologue de sa grande mission! La description qu’il nous fait de la majestĂ© de Dieu est incomparable. Il La compare avec la mort d’un roi. Combien fragiles sont les rois! (Is 6,1-4) : « L’annĂ©e de la mort d’Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trĂ´ne grandiose et surĂ©levĂ©. Sa traĂ®ne emplissait le sanctuaire. Des sĂ©raphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l’un Ă  l’autre ces paroles : « Saint, saint est YahvĂ© Sabaot, sa gloire remplit toute la Terre. Â» Les montants des portes vibrèrent au bruit de ces cris et le Temple Ă©tait plein de fumĂ©e. Â»

 

Le signe de la Présence de Dieu

 

C’est la magnifique description d’un homme qui dĂ©couvre alors Ă©galement sa petitesse (Is 6,5) : « Malheur Ă  moi, je suis perdu! Car je suis un homme aux lèvres impures. Â» Devant la majestĂ© de Dieu, l’humain qui se retrouve devant Lui, sent sa petitesse, sa limitation.

 

Le Christ ressuscité apparaît à Paul

 

Nous pourrions dire la mĂŞme chose de la seconde lecture. Saint Paul nous raconte comment le Christ dans la gloire de sa rĂ©surrection est apparu aux apĂ´tres. (I Cor 15,8-10) : « Et, en tout dernier lieu, il m’est apparu Ă  moi comme Ă  l’avorton - une expression qui signifie quelque chose de rĂ©pugnant -. Car je suis le moindre des apĂ´tres; je ne mĂ©rite pas d’être appelĂ© apĂ´tre parce que j’ai persĂ©cutĂ© l’Église de Dieu. Â» Les pĂ©chĂ©s, n’importent pas; ce qui importe c’est de chercher Dieu avec un cĹ“ur sincère. Et Paul, mĂŞme en persĂ©cutant les chrĂ©tiens, croyait qu’il servait le Dieu vĂ©ritable; le Seigneur lui est apparu : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce Ă  mon Ă©gard n’a pas Ă©tĂ© stĂ©rile. Â» Voyez ce qu’est la rencontre de l’humain avec Dieu. 10/02/80, p.212-213, VIII.

 

B) Analyse de ces rencontres

 

Si nous analysons les rencontres de ces trois lectures d’aujourd’hui, nous dĂ©couvrons trois choses. En premier lieu, une rĂ©vĂ©lation de Dieu Ă  l’humain : Il apparaĂ®t comme le Seigneur, le Transcendant, le Fascinateur; et au mĂŞme moment, le Terrible, l’Exigeant. En JĂ©sus, le pouvoir est adouci par l’Incarnation mais il est toujours manifestĂ© comme le Pouvoir de Dieu et il dĂ©bouche sur la gloire infinie de sa RĂ©surrection. C’est cela, notre rencontre avec Dieu. Bienheureux l’homme qui, non seulement dans l’expression Ă©ternelle d’une thĂ©ophanie, comme celle d’IsaĂŻe, mais dans la simplicitĂ© de la prière, du recueillement, de sa demande, de sa rĂ©flexion, a rencontrĂ© Dieu.

 

J’ai toujours aimĂ© cette description que fait le Concile Vatican II de la grandeur humaine. Cela dit : « Par son intĂ©rioritĂ©, l’homme est supĂ©rieur Ă  l’univers entier; c’est Ă  cette intĂ©rioritĂ© profonde qu’il retourne quand Ă  l’intĂ©rieur de son cĹ“ur oĂą Dieu l’attend, scrutateur des cĹ“urs, et oĂą personnellement, sous le regard de Dieu, chacun dĂ©cide de son propre destin. Â» (G.S.14). Cette invitation est pour tous, personne n’est exclus. Nous possĂ©dons tous ce sanctuaire intime de la conscience oĂą Dieu attend l’heure oĂą tu descendras pour t’adresser Ă  Lui et pour dĂ©cider, Ă  la lumière de son regard, de ton propre destin. Qu’il est merveilleux de penser qu’à l’heure oĂą je voudrai me recueillir, j’aurai une audience avec Dieu. Qu’à n’importe quel moment oĂą je dĂ©sirerai me recueillir en prière, Dieu m’attend et il m’écoute. C’est ce que veulent rĂ©vĂ©ler ces lectures : que tout homme et toute femme, possède cette rĂ©vĂ©lation intime de Dieu dans son propre cĹ“ur.

 

Dans la gloire de Dieu se rĂ©vèle la dimension de l’homme. Bienheureux l’homme, la femme, qui, lorsqu’il se trouve devant la majestĂ© de Dieu, ne s’enorgueillit pas mais qui au contraire comme IsaĂŻe, comme Paul et comme Pierre, tombe Ă  genoux pour Lui dire : « Seigneur, je suis un pĂ©cheur! » Ce n’est pas que Dieu se complaise Ă  nous humilier par nos pĂ©chĂ©s, mais Dieu sait que l’humain, par lui-mĂŞme, ne peut prĂ©tendre Ă  l’amitiĂ© avec Lui, ni encore moins, Ă  collaborer Ă  son Ĺ“uvre. Alors Dieu Ă©veille en nous ce sentiment d’humilitĂ© lorsque nous l’appelons (Lc 5,10) : « Sois sans crainte; dĂ©sormais ce sont des hommes que tu prendras. Â» Et Ă  IsaĂŻe qui sentait ses lèvres impures (6,7) : « Voici : ceci a touchĂ© tes lèvres, ta faute est effacĂ©e, ton pĂ©chĂ© est pardonnĂ©. Â» Et Ă  Paul qui se reconnaĂ®t aussi pĂ©cheur, Il en a fait le grand collaborateur de son Ĺ“uvre. 10/02/80, p.212-213, VIII.

 

Le second point est le suivant : Dans la gloire de Dieu, l’humain rencontre sa dimension humaine.

 

Aucun homme ne se connaĂ®t rĂ©ellement tant qu’il n’a pas rencontrĂ© Dieu. C’est pourquoi nous avons tant d’« egolâtrie Â», tant d’orgueil; c’est pourquoi il y a tant d’hommes et de femmes attachĂ©s Ă  eux-mĂŞmes, adorateurs des faux dieux, qui n’ont pas encore fait la rencontre avec le Dieu vĂ©ritable. C’est pourquoi ils n’ont pas encore dĂ©couvert leur vĂ©ritable grandeur. Et quelle disgrâce est la vie quand au lieu de faire la rencontre du Dieu vĂ©ritable, on adore de faux dieux : dieu de l’argent, du pouvoir, dieu de l’orgueil, dieu du plaisir; ce sont des faux dieux. Qui me dira que le fruit de cette prĂ©dication d’aujourd’hui a fait en sorte que chacun d’entre-nous fut Ă  la rencontre de Dieu et que nous vivrons l’allĂ©gresse de sa majestĂ© et de notre petitesse! Notre petitesse!

 

Le troisième point de cette rencontre avec Dieu est qu’Il Ă©lève cette petitesse, qu’Il la purifie. La première lecture (Is 6,1-13) nous raconte symboliquement qu’un sĂ©raphin prit une braise de l’autel et qu’il y frotta les lèvres d’IsaĂŻe. Le feu purifie : « Voici : ceci a touchĂ© tes lèvres, ta faute est effacĂ©e, ton pĂ©chĂ© pardonnĂ©. Â» Tu es pur et tu peux annoncer ma Parole. (Is 6,8) « Qui enverrai-je? Qui ira pour nous? » Et je dis : « Me voici, envoie-moi. Â» L’homme s’assit alors Ă  la hauteur de Dieu et il peut devenir un collaborateur du Seigneur.

 

De mĂŞme dans la seconde lecture, lorsque Paul se rĂ©jouit de tout ce qu’il a fait « par la grâce de Dieu qui est en moi Â». Dieu est avec moi, non par moi seul. Je n’étais pas capable d’accomplir ces Ĺ“uvres sans l’aide de Dieu. « Ne crains rien, dit le Christ Ă  Pierre, dĂ©sormais tu seras un pĂŞcheur d’hommes. Â» C’est cela, la grande mission de la pastorale parmi les paĂŻens, la grande Ĺ“uvre de collaborer avec le Seigneur. C’est pourquoi je vous dis ce matin que nous pouvons rencontrer le meilleur horizon pour rĂ©soudre la crise du pays. Dans la profondeur d’une prière, chacun de vous, ainsi que moi, nous pouvons demander : « Seigneur qu’attends-tu de moi? Que puis-je faire dans la situation actuelle du pays? Et au lieu d’élucubrations politiques, nous dĂ©couvririons le projet de Dieu. Â» 10/02/80, p.214, VIII.

 

2) Dieu offre à l’humain le projet de la Libération authentique

 

A) Dans l’Évangile, Jésus est toujours la Révélation de Dieu

 

Le passage que nous avons lu aujourd’hui est pittoresque lorsqu’il dit (Lc 5,3) : « s’étant assis, de la barque, il enseignait aux foules. Â» Les interprètes ont entendu lĂ  que la barque de Simon, le premier Pape, c’est l’Église et qu’à partir de cette Église, le Christ continue d’enseigner. Le Christ a apportĂ© la rĂ©vĂ©lation du Père. Le Christ a apportĂ© le projet du Père sur tous les pays du monde. Seul le Christ connaĂ®t le secret profond de toutes les politiques et de tous les organismes. Seul le Christ connaĂ®t la solution Ă  tous les problèmes politiques et Ă  toutes les crises. Bienheureux l’homme qui, dans sa rĂ©flexion, s’approche du Christ pour lui demander : « Quel est ton projet Seigneur? Â»

 

B) Synthèse de l’enseignement

 

Saint Paul, dans la seconde lecture d’aujourd’hui, nous a rĂ©sumĂ© ce que le Christ devait enseigner dans cette barque et ce qu’Il dit aussitĂ´t aux apĂ´tres qui furent ainsi enseignĂ©s (I Cor 15,1-2) : « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncĂ©, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel aussi vous vous sauvez, si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncĂ©; sinon, vous auriez cru en vain. Â» C’est une vĂ©ritĂ© qui nous vient de Dieu et que l’humain doit prĂ©server comme une relique sacrĂ©e. On ne doit pas jouer avec l’Évangile, on ne doit pas l’interprĂ©ter ou le manipuler selon ses convenances. Il doit ĂŞtre l’Évangile qui sauve, celui que le Christ apporta et que l’Église continue d’annoncer.

 

Souvent, il est dur envers nos caprices, envers nos dĂ©sirs de plaisirs, envers nos Ă©goĂŻsmes; mais bienheureux celui qui fait prĂ©valoir non pas ses caprices mais l’Évangile du Seigneur. : « Je suis un pĂ©cheur Â» devant la saintetĂ© de l’Évangile et je ne dois pas subjuguer l’Évangile Ă  mes propres caprices.

 

« Quel est l’Évangile que j’ai proclamĂ© et qui nous sauve? Â»

 

Et il fait le rĂ©sumĂ© de tout ce que les prĂ©dicateurs ont annoncĂ© en tous lieux (I Co 15,3-9) : « Je vous ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-mĂŞme reçu - parce que Paul n’est que le transmetteur de ce message -, Ă  savoir, que selon les Écritures, le Christ est mort pour nos pĂ©chĂ©s, qu’Il a Ă©tĂ© mis au tombeau, qu’Il est ressuscitĂ© le troisième jour; et qu’Il apparut aux apĂ´tres; jusqu’à moi qui ne suis qu’un simple avorton parce que j’ai persĂ©cutĂ© l’Église de Dieu. Â» Lui seul est le Salut des saints et des pĂ©cheurs, c’est en Lui seul que nous pouvons fonder notre espĂ©rance et notre sĂ©curitĂ©. C’est cela, notre projet de Salut.

 

Dieu voulut que son Église ne s’engage dans aucun projet concret. Aujourd’hui dans le pays, nous avons trois projets pour construire la rĂ©publique : le projet de la droite, le projet de la gauche et le projet du gouvernement. L’Église ne peut se marier avec aucun. L’Église est mariĂ©e exclusivement avec la pensĂ©e du Seigneur pour pouvoir juger avec une libertĂ© authentique les trois projets du Salvador et tous les projets de toutes les politiques du monde.

 

C’est pourquoi je termine ma rĂ©flexion qui pourrait s’approfondir beaucoup plus. Je vous suggère de lire Ă  chaque jour la pensĂ©e de Dieu. Tâchez de rencontrer Dieu et de voir que son projet en est un de Salut intĂ©gral, que tous les projets politiques de la Terre sont limitĂ©s, et qu’aucun d’eux ne nous donne toute la dimension du Salut que Dieu veut pour les peuples et pour les hommes. Aussi audacieuse que semble ĂŞtre une rĂ©forme agraire ou une nationalisation des banques, Dieu nous donne bien au-delĂ  de cela : il nous donne une nationalisation des enfants de Dieu, une libĂ©ration du pĂ©chĂ©.

 

Le projet de Dieu nous donne le projet de la libĂ©ration intĂ©grale et je veux vous rappeler une phrase cĂ©lèbre du Concile Vatican II qui dit : « Quoiqu’il faille distinguer avec prĂ©caution le progrès temporel et la croissance du Règne du Christ, le premier cependant, en autant qu’il puisse contribuer Ă  mieux ordonner la sociĂ©tĂ© humaine, intĂ©resse en grande mesure le Règne de Dieu. Â» (G.S.39)

 

Le projet de Dieu, c’est le projet du Règne de Dieu. Et tous les projets qui visent le progrès dans le monde ne doivent pas être confondus avec le projet du Règne de Dieu mais ils doivent s’ériger toujours davantage comme un reflet de ce Règne. Notre patrie résoudra ses problèmes dans la mesure où l’on tentera de refléter ici, parmi les Salvadoriens, chez les riches et les pauvres, la justice du Règne de Dieu, l’amour du Règne de Dieu. Celui qui s’oppose au projet matériel du Salvador s’oppose au projet du Règne de Dieu. Le fait qu’un petit nombre possède tout et que la majorité n’ait rien, s’oppose au projet du Règne de Dieu. 10/02/80, p.214-216, VIII.

 

3) L’engagement chrétien de construire l’Histoire selon le projet de Dieu

 

Frères, il s’agit d’une heure de décision très grave pour notre patrie et les Salvadoriens doivent opter de travailler pour le camp du progrès humain dans la politique. Ils doivent porter, s’ils sont véritablement chrétiens, gravés dans leur regard, dans leur cœur, dans leur esprit et dans leur activité, le projet du Règne de Dieu.

 

N’importe quel politicien qui se trouve aujourd’hui dans le gouvernement, s’il est chrétien, doit s’efforcer de le refléter dans la réalité de la patrie. N’importe quel jeune qui est membre d’une organisation politique populaire ou de quelque organisation politique, s’il est chrétien, qu’il travaille en ne modifiant aucunement le projet du Règne de Dieu.” Qu’il s’efforce plutôt de le refléter et d’être le sel de la Terre et la lumière du monde au milieu de son organisation, de son groupe politique, sinon, qu’il ne s’appelle plus chrétien.

 

Le pouvoir miraculeux de l’adhésion à la foi

 

Pourquoi saint Paul nous a-t-il dit ce matin de conserver l’Évangile qu’il a prĂŞchĂ©? Pour que nous le conservions dans toutes nos activitĂ©s humaines, politiques incluses, parce que si nous ne le conservons pas, dit-il, (I Cor 15,2) : « Vous auriez cru en vain. Â» Combien saint Paul pourrait nous dire en ce sens : plusieurs prĂ©fĂ©rèrent leur identitĂ© politique et trahissent leur identitĂ© chrĂ©tienne!

 

Au sujet de ce projet du Règne de Dieu on nous a dit Ă©galement : L’ÉvangĂ©lisation doit toujours contenir - comme base, comme centre et en mĂŞme temps comme horizon de son dynamisme - une proclamation claire qu’en JĂ©sus-Christ, Fils de Dieu fait homme, mort et ressuscitĂ©, le Salut est offert Ă  tous les hommes et Ă  toutes les femmes, comme don de grâce et de misĂ©ricorde de Dieu. Non pas un Salut purement immanent, Ă  la mesure des nĂ©cessitĂ©s matĂ©rielles ou inclusivement spirituelles, qui s’épuise dans le cadre de l’existence temporelle, qui s’identifie totalement avec les dĂ©sirs, les espĂ©rances, les sujets et les luttes temporelles, mais un Salut qui dĂ©borde toutes ces limites pour se rĂ©aliser dans une communion avec l’unique Absolu, Dieu, Salut transcendant. Eschatologie qui commence certainement dans cette vie mais qui connaĂ®tra son accomplissement dans l’éternitĂ©. (E.N.27)

 

C’est cela, le projet de Dieu. Il ne contredit pas les projets de la Terre, mais il contredit le péché qui est présent dans les projets terrestres. C’est pourquoi l’Église doit annoncer le Règne de Dieu pour extirper le péché de tous les projets de la Terre et pour encourager la construction des projets à la mesure du Règne de Dieu. C’est cela, le grand travail des chrétiens dans l’Histoire. C’est cela, le grand engagement auquel nous convient les lectures d’aujourd’hui.

 

IsaĂŻe apporte le projet de Dieu

 

Dans la figure d’Isaïe, Dieu l’envoie au monde avec ses lèvres purifiées et les pupilles remplies de la gloire de Dieu pour qu’il n’oublie pas que devant la majesté des rois et devant l’idolâtrie de l’or et du pouvoir, on ne peut négliger l’unique Dieu qu’il faut adorer, lequel ne veut partager son pouvoir avec aucun pouvoir friable de la Terre.

 

Un politicien chrĂ©tien ne doit pas nĂ©gliger ce critère, tout en demeurant ouvert au pluralisme. Ă€ l’intĂ©rieur de ce travail, il y a un autre texte dont je veux que nous tenions compte Ă©galement, parce que maintenant oĂą il existe tant d’options dans le champ concret de la construction de notre histoire salvadorienne, cette observation pourra s’avĂ©rer très utile : « Il arrivera souvent, dit le Concile - que la propre conception chrĂ©tienne de la vie inclinera les humains, dans certains cas, Ă  choisir une solution dĂ©terminĂ©e. Mais il pourra se produire, comme cela se produit frĂ©quemment et en tout droit, que d’autres fidèles, guidĂ©s par la mĂŞme sincĂ©ritĂ©, jugent du mĂŞme problème d’une manière diffĂ©rente. Dans ces cas de solutions divergentes, en marge de l’intention de chaque partie, plusieurs tendent facilement Ă  rattacher leur solution avec le message Ă©vangĂ©lique. Ex. dit le Concile, : supposons qu’un parti politique ou qu’une organisation politique croit qu’elle possède la solution selon l’Évangile, qu’ils sont davantage chrĂ©tiens que les autres, et qu’ils veuillent s’accaparer l’Évangile, comprenez tous qu’en de telles situations, il n’est pas permis Ă  personne de revendiquer en sa faveur exclusive ce qui appartient de fait Ă  l’autoritĂ© de l’Église. Cherchez Ă  vous Ă©clairer toujours mutuellement avec un dialogue sincère, prĂ©servant la charitĂ© mutuelle et la sollicitude primordiale au bien commun. Â» (G.S. 43)

 

Il nous faut toujours reflĂ©ter le Règne de Dieu et sa justice pour que les humains qui travaillent aux projets de la Terre, soient en prĂ©sence de cette illumination. Ă€ la lumière de cette foi, tâchons de construire Ă©galement la sociĂ©tĂ© de la Terre. C’est cela, la grande mission des chrĂ©tiens dans le monde. Lorsqu’en Belgique j’ai parlĂ© de : « la dimension politique de la foi Â», je me rĂ©fĂ©rais Ă  ceci : une foi, pour qu’elle soit authentique, doit ĂŞtre engagĂ©e dans les rĂ©alitĂ©s du monde tout en demeurant toujours en JĂ©sus-Christ.

 

Comme pasteur de l’Église et comme communautĂ© chrĂ©tienne que nous sommes , nous voyons si notre travail Ă  partir de notre foi, de la croissance de notre foi, est prĂ©cisĂ©ment le travail de ces trois grands personnages qui apparaissent dans les lectures d’aujourd’hui : Pierre agenouillĂ© devant le Christ pour apprendre sa libĂ©ration; Paul apprenant l’Évangile et lui demandant fidĂ©litĂ© pour ĂŞtre efficace dans la libĂ©ration du peuple; IsaĂŻe se sentant minuscule devant la grandeur de la mission qui lui est confiĂ©e, mais audacieux lorsque Dieu l’envoie avec sa Parole au monde.

 

Serons-nous véritablement des messagers du Règne de Dieu? Et ceux qui ont une vocation politique, qui sont membres d’organisations ou de partis politiques, dans le gouvernement, dans l’armée ou dans n’importe quel poste de la réalisation politique de notre patrie, sont-ils véritablement chrétiens? Réalisent-ils leur foi, selon les conséquences logiques des situations qui sont entre leurs mains?

Notre Église tente de se construire sur ce fondement de l’Évangile en rendant compte de cette semaine ecclésiale. C’est cela, la joie que je ressens. Nous sommes en train de travailler notre Église comme Isaïe, Paul et Pierre, pour sortir d’ici imprégnés du Règne de Dieu afin de travailler avec les travailleurs de la politique en ce monde. 10/02/80, p.216-218, VIII.