Dieu nous appelle Ă construire notre
histoire avec Lui
Cinquième dimanche du temps
ordinaire; 10 février 1980; Lectures Isaïe 6,1-22)2-9; I Corinthiens 15,1-11;
Luc 5,1-11.
Les lectures d’aujourd’hui nous
offrent les critères de sérénité et d’efficacité pour être ce que tout
Salvadorien doit être : artisan de la destinée du pays à la lumière de la foi.
Je voudrais toujours, surtout en ces heures de confusion, de psychose,
d’angoisse collective, être un messager d’espérance et d’allégresse. Et il
existe des raisons à cela : le clair horizon que nous présente la Parole.
La Révélation de Dieu, n’est pas pour nous affliger, c’est un horizon dans le
ciel salvadorien qui indique la sortie lumineuse de cette situation. Puisse
Dieu que nous comprenions tous à la lumière des paroles du Seigneur, ce matin,
combien nous pouvons faire chacun d’entre nous, même le plus humble parmi ceux
qui sont ici, pour donner une réponse d’espérance, d’allégresse, aux afflictions
du moment!
Au-dessus de la tragédie, du sang et
de la violence, il y a la Parole de foi et d’espérance qui nous dit : il
existe une solution, il y a un espoir, nous pouvons reconstruire notre pays.
Les chrétiens sont porteurs d’une force unique, servons-nous en! C’est
pourquoi, je désire intituler mon homélie d’aujourd’hui avec ces mots :
Dieu nous appelle à construire avec Lui notre Histoire. Vraiment, il ne s’agit
pas là d’une considération pieuse pour sortir, pour nous évader de la réalité;
au contraire, c’est pour nous immerger plus profondément dans notre réalité. Ce
que les lectures d’aujourd’hui nous présentent, je les résume par ces trois
pensées :
Plan de l’homélie :
1) La rencontre de l’humain avec Dieu
2) Dieu offre à l’humain le projet de
la Libération authentique
3) L’engagement chrétien de
construire l’Histoire selon le projet de Dieu
1) La rencontre de l’humain avec Dieu
A) L’épisode de la pêche
Il est merveilleux de savoir qu’il
existe un rendez-vous avec Dieu pour chacun d’entre nous. L’épisode de la pêche
est pittoresque. Ils ont passé toute la nuit à se fatiguer à pêcher et ils
n’ont rien pris. Au matin, le Christ leur dit (Lc 5,4-5) : « Avancez
en eau profonde et lâchez vos filets pour la pêche. » Simon répondit :
« Maître, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta
parole, je vais lâcher mes filets. »
Pierre découvre le Seigneur
Telle fut la pĂŞche et saint Pierre
sent que Dieu est là et il sent alors que Dieu s’est approché des hommes et il
tombe à genoux et lui dit : « Seigneur! Kyrie! Souverain!
Transcendant! Tout-Puissant! Je ne suis qu’un pécheur, éloigne-toi de
moi. » C’est le moment de la rencontre de l’homme avec Dieu.
Théophanie solennelle
Dans la première lecture
d’aujourd’hui, comme apparait précieuse la théophanie qu’Isaïe décrit comme le
prologue de sa grande mission! La description qu’il nous fait de la majesté de
Dieu est incomparable. Il La compare avec la mort d’un roi. Combien fragiles
sont les rois! (Is 6,1-4) : « L’année de la mort d’Ozias, je vis le
Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le
sanctuaire. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes,
deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler.
Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : « Saint, saint est Yahvé
Sabaot, sa gloire remplit toute la Terre. » Les montants des portes
vibrèrent au bruit de ces cris et le Temple était plein de fumée. »
Le signe de la Présence de Dieu
C’est la magnifique description d’un
homme qui découvre alors également sa petitesse (Is 6,5) : « Malheur
à moi, je suis perdu! Car je suis un homme aux lèvres impures. » Devant la
majesté de Dieu, l’humain qui se retrouve devant Lui, sent sa petitesse, sa
limitation.
Le Christ ressuscité apparaît à Paul
Nous pourrions dire la mĂŞme chose de
la seconde lecture. Saint Paul nous raconte comment le Christ dans la gloire de
sa résurrection est apparu aux apôtres. (I Cor 15,8-10) : « Et, en
tout dernier lieu, il m’est apparu à moi comme à l’avorton - une expression qui
signifie quelque chose de répugnant -. Car je suis le moindre des apôtres; je
ne mérite pas d’être appelé apôtre parce que j’ai persécuté l’Église de
Dieu. » Les péchés, n’importent pas; ce qui importe c’est de chercher Dieu
avec un cœur sincère. Et Paul, même en persécutant les chrétiens, croyait qu’il
servait le Dieu véritable; le Seigneur lui est apparu : « C’est par
la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce à mon égard n’a pas
été stérile. » Voyez ce qu’est la rencontre de l’humain avec Dieu.
10/02/80, p.212-213, VIII.
B) Analyse de ces rencontres
Si nous analysons les rencontres de
ces trois lectures d’aujourd’hui, nous découvrons trois choses. En premier
lieu, une révélation de Dieu à l’humain : Il apparaît comme le Seigneur,
le Transcendant, le Fascinateur; et au même moment, le Terrible, l’Exigeant. En
Jésus, le pouvoir est adouci par l’Incarnation mais il est toujours manifesté
comme le Pouvoir de Dieu et il débouche sur la gloire infinie de sa Résurrection.
C’est cela, notre rencontre avec Dieu. Bienheureux l’homme qui, non seulement
dans l’expression éternelle d’une théophanie, comme celle d’Isaïe, mais dans la
simplicité de la prière, du recueillement, de sa demande, de sa réflexion, a
rencontré Dieu.
J’ai toujours aimé cette description
que fait le Concile Vatican II de la grandeur humaine. Cela dit :
« Par son intĂ©rioritĂ©, l’homme est supĂ©rieur Ă l’univers entier; c’est Ă
cette intériorité profonde qu’il retourne quand à l’intérieur de son cœur où
Dieu l’attend, scrutateur des cœurs, et où personnellement, sous le regard de
Dieu, chacun décide de son propre destin. » (G.S.14). Cette invitation est
pour tous, personne n’est exclus. Nous possédons tous ce sanctuaire intime de
la conscience où Dieu attend l’heure où tu descendras pour t’adresser à Lui et
pour décider, à la lumière de son regard, de ton propre destin. Qu’il est
merveilleux de penser qu’à l’heure où je voudrai me recueillir, j’aurai une
audience avec Dieu. Qu’à n’importe quel moment où je désirerai me recueillir en
prière, Dieu m’attend et il m’écoute. C’est ce que veulent révéler ces
lectures : que tout homme et toute femme, possède cette révélation intime
de Dieu dans son propre cœur.
Dans la gloire de Dieu se révèle la
dimension de l’homme. Bienheureux l’homme, la femme, qui, lorsqu’il se trouve
devant la majesté de Dieu, ne s’enorgueillit pas mais qui au contraire comme
IsaĂŻe, comme Paul et comme Pierre, tombe Ă genoux pour Lui dire :
« Seigneur, je suis un pĂ©cheur! » Ce n’est pas que Dieu se complaise Ă
nous humilier par nos péchés, mais Dieu sait que l’humain, par lui-même, ne
peut prétendre à l’amitié avec Lui, ni encore moins, à collaborer à son œuvre.
Alors Dieu éveille en nous ce sentiment d’humilité lorsque nous l’appelons (Lc
5,10) : « Sois sans crainte; désormais ce sont des hommes que tu
prendras. » Et à Isaïe qui sentait ses lèvres impures (6,7) :
« Voici : ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché
est pardonné. » Et à Paul qui se reconnaît aussi pécheur, Il en a fait le
grand collaborateur de son Ĺ“uvre. 10/02/80, p.212-213, VIII.
Le second point est le suivant :
Dans la gloire de Dieu, l’humain rencontre sa dimension humaine.
Aucun homme ne se connaît réellement
tant qu’il n’a pas rencontré Dieu. C’est pourquoi nous avons tant d’« egolâtrie »,
tant d’orgueil; c’est pourquoi il y a tant d’hommes et de femmes attachĂ©s Ă
eux-mêmes, adorateurs des faux dieux, qui n’ont pas encore fait la rencontre
avec le Dieu véritable. C’est pourquoi ils n’ont pas encore découvert leur
véritable grandeur. Et quelle disgrâce est la vie quand au lieu de faire la
rencontre du Dieu véritable, on adore de faux dieux : dieu de l’argent, du
pouvoir, dieu de l’orgueil, dieu du plaisir; ce sont des faux dieux. Qui me
dira que le fruit de cette prédication d’aujourd’hui a fait en sorte que chacun
d’entre-nous fut à la rencontre de Dieu et que nous vivrons l’allégresse de sa
majesté et de notre petitesse! Notre petitesse!
Le troisième point de cette rencontre
avec Dieu est qu’Il élève cette petitesse, qu’Il la purifie. La première
lecture (Is 6,1-13) nous raconte symboliquement qu’un séraphin prit une braise
de l’autel et qu’il y frotta les lèvres d’Isaïe. Le feu purifie :
« Voici : ceci a touché tes lèvres, ta faute est effacée, ton péché
pardonné. » Tu es pur et tu peux annoncer ma Parole. (Is 6,8) « Qui
enverrai-je? Qui ira pour nous? » Et je dis : « Me voici,
envoie-moi. » L’homme s’assit alors à la hauteur de Dieu et il peut
devenir un collaborateur du Seigneur.
De mĂŞme dans la seconde lecture,
lorsque Paul se réjouit de tout ce qu’il a fait « par la grâce de Dieu qui
est en moi ». Dieu est avec moi, non par moi seul. Je n’étais pas capable
d’accomplir ces œuvres sans l’aide de Dieu. « Ne crains rien, dit le
Christ à Pierre, désormais tu seras un pêcheur d’hommes. » C’est cela, la
grande mission de la pastorale parmi les paĂŻens, la grande Ĺ“uvre de collaborer
avec le Seigneur. C’est pourquoi je vous dis ce matin que nous pouvons
rencontrer le meilleur horizon pour résoudre la crise du pays. Dans la
profondeur d’une prière, chacun de vous, ainsi que moi, nous pouvons
demander : « Seigneur qu’attends-tu de moi? Que puis-je faire dans la
situation actuelle du pays? Et au lieu d’élucubrations politiques, nous
découvririons le projet de Dieu. » 10/02/80, p.214, VIII.
2) Dieu offre à l’humain le projet de
la Libération authentique
A) Dans l’Évangile, Jésus est
toujours la Révélation de Dieu
Le passage que nous avons lu
aujourd’hui est pittoresque lorsqu’il dit (Lc 5,3) : « s’étant assis,
de la barque, il enseignait aux foules. » Les interprètes ont entendu lĂ
que la barque de Simon, le premier Pape, c’est l’Église et qu’à partir de cette
Église, le Christ continue d’enseigner. Le Christ a apporté la révélation du
Père. Le Christ a apporté le projet du Père sur tous les pays du monde. Seul le
Christ connaît le secret profond de toutes les politiques et de tous les
organismes. Seul le Christ connaît la solution à tous les problèmes politiques
et à toutes les crises. Bienheureux l’homme qui, dans sa réflexion, s’approche
du Christ pour lui demander : « Quel est ton projet Seigneur? »
B) Synthèse de l’enseignement
Saint Paul, dans la seconde lecture
d’aujourd’hui, nous a résumé ce que le Christ devait enseigner dans cette
barque et ce qu’Il dit aussitôt aux apôtres qui furent ainsi enseignés (I Cor
15,1-2) : « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai
annoncé, que vous avez reçu et dans lequel vous demeurez fermes, par lequel
aussi vous vous sauvez, si vous le gardez tel que je vous l’ai annoncé; sinon,
vous auriez cru en vain. » C’est une vérité qui nous vient de Dieu et que
l’humain doit préserver comme une relique sacrée. On ne doit pas jouer avec
l’Évangile, on ne doit pas l’interpréter ou le manipuler selon ses convenances.
Il doit être l’Évangile qui sauve, celui que le Christ apporta et que l’Église
continue d’annoncer.
Souvent, il est dur envers nos
caprices, envers nos désirs de plaisirs, envers nos égoïsmes; mais bienheureux
celui qui fait prévaloir non pas ses caprices mais l’Évangile du
Seigneur. : « Je suis un pécheur » devant la sainteté de
l’Évangile et je ne dois pas subjuguer l’Évangile à mes propres caprices.
« Quel est l’Évangile que j’ai
proclamé et qui nous sauve? »
Et il fait le résumé de tout ce que
les prédicateurs ont annoncé en tous lieux (I Co 15,3-9) : « Je vous
ai donc transmis en premier lieu ce que j’avais moi-même reçu - parce que Paul
n’est que le transmetteur de ce message -, à savoir, que selon les Écritures,
le Christ est mort pour nos péchés, qu’Il a été mis au tombeau, qu’Il est
ressuscité le troisième jour; et qu’Il apparut aux apôtres; jusqu’à moi qui ne
suis qu’un simple avorton parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. » Lui
seul est le Salut des saints et des pécheurs, c’est en Lui seul que nous
pouvons fonder notre espérance et notre sécurité. C’est cela, notre projet de
Salut.
Dieu voulut que son Église ne
s’engage dans aucun projet concret. Aujourd’hui dans le pays, nous avons trois
projets pour construire la république : le projet de la droite, le projet
de la gauche et le projet du gouvernement. L’Église ne peut se marier avec
aucun. L’Église est mariée exclusivement avec la pensée du Seigneur pour
pouvoir juger avec une liberté authentique les trois projets du Salvador et
tous les projets de toutes les politiques du monde.
C’est pourquoi je termine ma
rĂ©flexion qui pourrait s’approfondir beaucoup plus. Je vous suggère de lire Ă
chaque jour la pensée de Dieu. Tâchez de rencontrer Dieu et de voir que son
projet en est un de Salut intégral, que tous les projets politiques de la Terre
sont limités, et qu’aucun d’eux ne nous donne toute la dimension du Salut que
Dieu veut pour les peuples et pour les hommes. Aussi audacieuse que semble ĂŞtre
une réforme agraire ou une nationalisation des banques, Dieu nous donne bien
au-delĂ de cela : il nous donne une nationalisation des enfants de Dieu,
une libération du péché.
Le projet de Dieu nous donne le
projet de la libération intégrale et je veux vous rappeler une phrase célèbre
du Concile Vatican II qui dit : « Quoiqu’il faille distinguer avec
précaution le progrès temporel et la croissance du Règne du Christ, le premier
cependant, en autant qu’il puisse contribuer à mieux ordonner la société
humaine, intéresse en grande mesure le Règne de Dieu. » (G.S.39)
Le projet de Dieu, c’est le projet du
Règne de Dieu. Et tous les projets qui visent le progrès dans le monde ne
doivent pas être confondus avec le projet du Règne de Dieu mais ils doivent
s’ériger toujours davantage comme un reflet de ce Règne. Notre patrie résoudra
ses problèmes dans la mesure où l’on tentera de refléter ici, parmi les
Salvadoriens, chez les riches et les pauvres, la justice du Règne de Dieu, l’amour
du Règne de Dieu. Celui qui s’oppose au projet matériel du Salvador s’oppose au
projet du Règne de Dieu. Le fait qu’un petit nombre possède tout et que la
majorité n’ait rien, s’oppose au projet du Règne de Dieu. 10/02/80, p.214-216,
VIII.
3) L’engagement chrétien de
construire l’Histoire selon le projet de Dieu
Frères, il s’agit d’une heure de
décision très grave pour notre patrie et les Salvadoriens doivent opter de
travailler pour le camp du progrès humain dans la politique. Ils doivent
porter, s’ils sont véritablement chrétiens, gravés dans leur regard, dans leur
cœur, dans leur esprit et dans leur activité, le projet du Règne de Dieu.
N’importe quel politicien qui se
trouve aujourd’hui dans le gouvernement, s’il est chrétien, doit s’efforcer de
le refléter dans la réalité de la patrie. N’importe quel jeune qui est membre
d’une organisation politique populaire ou de quelque organisation politique,
s’il est chrétien, qu’il travaille en ne modifiant aucunement le projet du
Règne de Dieu.” Qu’il s’efforce plutôt de le refléter et d’être le sel de la
Terre et la lumière du monde au milieu de son organisation, de son groupe
politique, sinon, qu’il ne s’appelle plus chrétien.
Le pouvoir miraculeux de l’adhĂ©sion Ă
la foi
Pourquoi saint Paul nous a-t-il dit
ce matin de conserver l’Évangile qu’il a prêché? Pour que nous le conservions
dans toutes nos activités humaines, politiques incluses, parce que si nous ne
le conservons pas, dit-il, (I Cor 15,2) : « Vous auriez cru en
vain. » Combien saint Paul pourrait nous dire en ce sens : plusieurs
préférèrent leur identité politique et trahissent leur identité chrétienne!
Au sujet de ce projet du Règne de
Dieu on nous a dit également : L’Évangélisation doit toujours contenir -
comme base, comme centre et en mĂŞme temps comme horizon de son dynamisme - une
proclamation claire qu’en Jésus-Christ, Fils de Dieu fait homme, mort et
ressuscité, le Salut est offert à tous les hommes et à toutes les femmes, comme
don de grâce et de misĂ©ricorde de Dieu. Non pas un Salut purement immanent, Ă
la mesure des nécessités matérielles ou inclusivement spirituelles, qui
s’épuise dans le cadre de l’existence temporelle, qui s’identifie totalement
avec les désirs, les espérances, les sujets et les luttes temporelles, mais un
Salut qui déborde toutes ces limites pour se réaliser dans une communion avec
l’unique Absolu, Dieu, Salut transcendant. Eschatologie qui commence
certainement dans cette vie mais qui connaîtra son accomplissement dans
l’éternité. (E.N.27)
C’est cela, le projet de Dieu. Il ne
contredit pas les projets de la Terre, mais il contredit le péché qui est présent
dans les projets terrestres. C’est pourquoi l’Église doit annoncer le Règne de
Dieu pour extirper le péché de tous les projets de la Terre et pour encourager
la construction des projets à la mesure du Règne de Dieu. C’est cela, le grand
travail des chrétiens dans l’Histoire. C’est cela, le grand engagement auquel
nous convient les lectures d’aujourd’hui.
IsaĂŻe apporte le projet de Dieu
Dans la figure d’Isaïe, Dieu l’envoie
au monde avec ses lèvres purifiées et les pupilles remplies de la gloire de Dieu
pour qu’il n’oublie pas que devant la majesté des rois et devant l’idolâtrie de
l’or et du pouvoir, on ne peut négliger l’unique Dieu qu’il faut adorer, lequel
ne veut partager son pouvoir avec aucun pouvoir friable de la Terre.
Un politicien chrétien ne doit pas
négliger ce critère, tout en demeurant ouvert au pluralisme. À l’intérieur de
ce travail, il y a un autre texte dont je veux que nous tenions compte
également, parce que maintenant où il existe tant d’options dans le champ
concret de la construction de notre histoire salvadorienne, cette observation
pourra s’avérer très utile : « Il arrivera souvent, dit le Concile -
que la propre conception chrétienne de la vie inclinera les humains, dans
certains cas, à choisir une solution déterminée. Mais il pourra se produire,
comme cela se produit fréquemment et en tout droit, que d’autres fidèles,
guidés par la même sincérité, jugent du même problème d’une manière différente.
Dans ces cas de solutions divergentes, en marge de l’intention de chaque partie,
plusieurs tendent facilement Ă rattacher leur solution avec le message
évangélique. Ex. dit le Concile, : supposons qu’un parti politique ou
qu’une organisation politique croit qu’elle possède la solution selon
l’Évangile, qu’ils sont davantage chrétiens que les autres, et qu’ils veuillent
s’accaparer l’Évangile, comprenez tous qu’en de telles situations, il n’est pas
permis Ă personne de revendiquer en sa faveur exclusive ce qui appartient de
fait à l’autorité de l’Église. Cherchez à vous éclairer toujours mutuellement
avec un dialogue sincère, préservant la charité mutuelle et la sollicitude
primordiale au bien commun. » (G.S. 43)
Il nous faut toujours refléter le
Règne de Dieu et sa justice pour que les humains qui travaillent aux projets de
la Terre, soient en présence de cette illumination. À la lumière de cette foi,
tâchons de construire également la société de la Terre. C’est cela, la grande
mission des chrétiens dans le monde. Lorsqu’en Belgique j’ai parlé de :
« la dimension politique de la foi », je me référais à ceci : une
foi, pour qu’elle soit authentique, doit être engagée dans les réalités du
monde tout en demeurant toujours en JĂ©sus-Christ.
Comme pasteur de l’Église et comme
communautĂ© chrĂ©tienne que nous sommes , nous voyons si notre travail Ă
partir de notre foi, de la croissance de notre foi, est précisément le travail
de ces trois grands personnages qui apparaissent dans les lectures
d’aujourd’hui : Pierre agenouillé devant le Christ pour apprendre sa
libération; Paul apprenant l’Évangile et lui demandant fidélité pour être
efficace dans la libération du peuple; Isaïe se sentant minuscule devant la
grandeur de la mission qui lui est confiée, mais audacieux lorsque Dieu
l’envoie avec sa Parole au monde.
Serons-nous véritablement des messagers
du Règne de Dieu? Et ceux qui ont une vocation politique, qui sont membres
d’organisations ou de partis politiques, dans le gouvernement, dans l’armée ou
dans n’importe quel poste de la réalisation politique de notre patrie, sont-ils
véritablement chrétiens? Réalisent-ils leur foi, selon les conséquences
logiques des situations qui sont entre leurs mains?
Notre Église tente de se construire
sur ce fondement de l’Évangile en rendant compte de cette semaine ecclésiale.
C’est cela, la joie que je ressens. Nous sommes en train de travailler notre
Église comme Isaïe, Paul et Pierre, pour sortir d’ici imprégnés du Règne de
Dieu afin de travailler avec les travailleurs de la politique en ce monde.
10/02/80, p.216-218, VIII.