RĂ©paration au Christ, Corpus Christi
12 juin 1977; Lectures : Genèse
14,18-20; 1 Corinthiens 11,23-26; Luc 9,11b-17.
C’est l’heure de la réparation et
pour cela je voudrais attirer votre attention sur l’aspect réparateur de cette
cérémonie expiatoire que l’Eucharistie même contient. C’est ce qui est le plus
merveilleux, pour demander pardon au Christ outragé, nous n’avons pas d’autres
paroles que l’Eucharistie. Nous sommes capables de l’outrager, mais aucun être
humain ne peut dire les mots adéquats pour l’expiation si le Christ Lui-même ne
les met pas sur nos lèvres, dans notre cœur et dans nos mains. Comme le
Seigneur est bon! Offensé, Il nous indique la manière de nous faire pardonner.
Offensé – et incapable de réparation –, Il nous offre son propre corps et son
propre sang parce que c’est l’unique chose qui puisse donner satisfaction Ă
l’outrage brutal que les humains ont pu Lui faire, mais qu’aucun ne peut
réparer.
C’est pourquoi Il pensa avec l’amour
qu’Il nous porte, un amour fou, sachant comme nous allions Le traiter et
L’abandonner, Il prépara l’hommage qui puisse réparer l’offense subie. C’est
pour cela que saint Paul dit, s’inspirant de la tradition, et figurez-vous que
ce dernier écrivit vingt ans après que le Christ eut institué l’Eucharistie,
pour ceux qui doutaient de la Présence réelle du Christ ou de la valeur de la
messe, observez bien ce détail historique, seulement vingt ans après le Christ
dit (cf I Cor 11,23-26) : « J’ai reçu cette tradition et je la
transmets à la postérité. »
Et vingt siècles plus tard, nous
sommes certains, grâce à ces témoignages de la foi, que le Christ est présent
dans l’hostie et que ce que nous allons dire dans un instant avec tous ces
prêtres réunis, comme responsables de cette charge du Christ :
« Buvez et mangez, ceci est mon Corps qui a été livré pour vous; ceci est
le calice de mon Sang, le Sang de l’Alliance Nouvelle et éternelle qui a été
versé pour vous, pour la rémission des péchés », n’est pas une invention
humaine. C’est une invention qui trouve son origine dans le Christ, en cette
sainte nuit de la dernière Cène. Anticipant son sacrifice sur le Calvaire, le
Vendredi saint, Il nous a laissé ce souvenir vivant : « Faites ceci
en mémoire de moi. » C’est pourquoi saint Paul vient de nous dire que,
chaque fois que nous célébrons la messe, nous annonçons la mort du Seigneur et
nous proclamons sa RĂ©surrection.
Un peuple qui s’alimente de cette
mystique, un peuple chrétien, le catholique qui vit cette foi ne peut pas désespérer
tout autant qu’il souffre les outrages à sa dignité, à sa foi, à sa croyance.
Cette croix du Vendredi saint est Ă©galement une promesse de RĂ©surrection.
L’Eucharistie nous garantit la
présence du Christ qui continue de sauver l’humanité, mais l’aspect du
sacrifice expiatoire du Christ se trouve dans ces mots : le Corps qui a
été livré pour nous, le Sang qui a été versé pour le pardon des péchés. Dans le
symbole de l’hostie piétinée à Aguilares, nous voyions le visage du Christ sur
la croix. Ce merveilleux poème du Christ brisé nous décrit l’heure épouvantable
où, sur le visage du Christ crucifié, passaient les péchés de tous les hommes,
les blasphèmes, les adultères, les vols, ceux qui piétinent la dignité humaine,
tous les pécheurs. En cette heure de la patrie, combien sont nombreux ceux qui
haïssent, qui calomnient et qui pèchent souvent. Nous sommes tous pécheurs.
Reconnaissons dans ce visage le visage de chacun d’entre nous, le visage de
ceux qui nous persécutent et nous calomnient, comme une projection
cinématographique sur le visage du Christ qui meurt, qui agonise et qui nous
dit : « Ici vous attend mon corps et mon sang qui ont été livrés pour
le pardon de tous ces péchés. » Et nous recueillons dans cette hostie
consacrée toute la douleur de ce Christ, tout l’amour pour les pécheurs, tous
ces sentiments qui sont si distincts de ceux qui L’offensent. « Père,
pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font? »
Et Celui-ci voit dans l’angoisse
agonisante de son Fils, la dépravation de tous les pécheurs qui piétinent ses
hosties, de ceux qui communient d’une manière sacrilège, de tous ceux qui
offensent le Seigneur. Cet après-midi, nous nous sentons tous pécheurs, pour
dire au Seigneur, en invoquant sa force réparatrice de l’Eucharistie : Seigneur,
maintenant nous allons t’adorer, en une procession à la fin de la messe. Et
cette messe, hommage de ton Église, regarde la Seigneur comme pécheresse et
nécessiteuse de ton pardon.
Les pages noires qu’ils ont publiées
sur notre compte, comme pour se glorifier de nos fautes, ne représentent même
pas l’ombre des nombreuses fautes que nous avons comme Église. Nous l’avons
reconnu, dans les actes du Concile lui-mĂŞme, plusieurs pages reconnaissent,
avec humilité, et proclament les péchés de l’Église. Ces persécuteurs dépravés
ne nous apprennent rien de nouveau, ils nous font simplement nous rappeler, que
nous avons besoin de nous frapper la poitrine, comme nous l’avons fait au début
de la messe : « Par ma faute, parce que j’ai péché, en pensée, en paroles
et en actes. »
Et ceux qui s’érigent en jugent pour
indiquer les péchés de l’Église, sont semblables à ce pharisien hypocrite qui
disait : « Je ne suis pas comme les autres hommes. » Qui est
sans péché pour jeter la première pierre? Nous avons tous besoin, en cette
heure de sacrifice expiatoire, de demander pardon au Seigneur. Et la sainte
volonté du Christ qui vit dans l’Église n’est pas de rancœur, de vengeance, de
désirer du mal à autrui, sinon celle du Christ sur la croix : « Père,
pardonne-leur. » La réparation c’est l’amour, l’expiation c’est de
regarder le pécheur pour qu’il se convertisse et de se regarder soi-même pour
se convertir. Frères et sœurs, en cette heure de conversion, combien plus
humbles sommes-nous et lorsque nous appuyons notre incapacité d’être pardonnés
dans le Christ qui est mort pour nous et qui est demeuré présent avec son
pardon dans l’Eucharistie, nous sommes en train de construire l’Église.
Je remercie les communautés
paroissiales qui ont porté attention à cet appel. Que Dieu vous le rende. C’est
une belle communauté que celle qui remplit cette Cathédrale. Elle est le
symbole de tout l’archidiocèse enflammé par l’amour, pour aimer davantage
lorsqu’on la persécute, pour être au milieu du monde la réponse comme la voix
de Jésus : « Père, pardonne-leur, pardonne-leur. » C’est ainsi
que le Seigneur va nous bénir. Continuons de construire notre Église,
poursuivons notre Eucharistie en ce sens de réparation, unis au Christ, parce
qu’Il sera pour les pécheurs, que nous sommes tous, le pardon et pour les âmes
généreuses qui savent pardonner, une source de plus grandes bénédictions.
Le cœur de Jésus demandait ce geste
de réparation. Et si nous demandons maintenant : quel est le besoin le
plus grand de notre mère l’Église? Je vous dirais ceci : Ce dont elle a le
plus besoin c’est la réparation. Réparer parce qu’on a tant craché sur elle.
Nous devons laver son visage, la rendre plus belle, et nous devons tous
collaborer pour qu’elle soit la plus belle épouse de Notre Seigneur
Jésus-Christ, l’embellir, c’est cela, la tâche.
De sorte que cette cérémonie ne soit
pas un acte sporadique. Je vous dirai mes frères et sœurs : initions une
campagne de réparation, c’est-à -dire, donnons à notre souffrance, à notre
pauvretĂ©, Ă notre douleur, Ă notre travail en faveur de la dignitĂ© humaine, Ă
l’accomplissement de notre devoir, à notre lutte pour construire une Église
plus belle, à notre aspiration légitime pour une patrie plus digne, un sens de
réparation… tout pour Toi, Très Sacré Cœur de Jésus. 12/06/77, p.87-88, I-II.