Du Christ seul, peut venir la
véritable indépendance.
Vingt-troisième dimanche du temps
ordinaire, 9 septembre 1979; Lectures : IsaĂŻe 35,4-7a; Jacques 2,1-5; Marc
7,31-37.
Encore une fois, les circonstances
nous obligent à célébrer notre eucharistie dans cette église consacrée au Sacré-Cœur
de Jésus. Cela me remplit de beaucoup d’espérance parce que le Cœur de Jésus
est le symbole de l’amour infini de Dieu révélé en Jésus-Christ envers les
humains. Qu’est-ce que nous venons faire à la messe chaque dimanche? Nous
venons nous imprĂ©gner toujours davantage, comme chrĂ©tiens, du mystère qui est Ă
la base de notre foi et de notre espérance : le mystère du Christ, mystère
qui n’est pas autre chose que l’amour infini de Dieu, le projet infini de Dieu
pour sauver les hommes, pour les Ă©lever et en faire avec Lui une seule famille.
Nous sommes en pèlerinage parmi les vicissitudes de l’Histoire, parmi les
tentations et les flatteries du monde. Le danger existe que nous demeurions
installés sur la Terre et que nous oublions cet appel amoureux d’un Père qui
nous attend les bras ouverts et qui non seulement nous espère, sinon qu’Il ne
nous donne rien de moins pour la route, que son Fils, JĂ©sus-Christ.
Les circonstances nous poussent Ă
faire cette réflexion en ce mois de l’indépendance qui sonne comme un sarcasme
en ces heures de tant d’esclavages. C’est pour cela qu’aujourd’hui notre peuple
célèbre de manière très différente. Il y a ceux qui planifient des choses
extraordinaires, des coups d’éclat, de sang et de tragédie. C’est ainsi que
nous vivons dans l’expectative de savoir ce que sera ce mois de septembre au
Salvador.
Un défi… ne pas craindre les hommes,
mais devenir un digne instrument de Dieu.
Pour ma part, je crois que septembre
signifie, pour les chrétiens, un défi. Le défi d’un mot : indépendance.
Non pas pour vivre des représailles, des faits sanglants, des tragédies
douloureuses, sinon pour nous mettre du côté de Dieu, avec le Christ. Seigneur,
Tu es le seul qui puisse donner leur véritable liberté aux humains.
L’indépendance de notre patrie, qui
se célèbre le 15 de ce mois, signifie le défi de Dieu qui nous offre sa force
pour être libres. Alors, la réaction d’un bon Salvadorien, chrétien, ne doit
pas être de terreur : « Qu’est-ce qui va se passer en
septembre? » Les hommes ne peuvent pas davantage que Dieu le leur permet
pour leur bien ou pour leur mal. « Pas un cheveu ne tombe de votre tête
sans la permission de Dieu », a dit le Christ. « Ne craignez
pas », disait le Seigneur. Je crois qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous
avons besoin de cette tranquillité, de cette sécurité. Davantage que de
craindre les hommes, nous devons craindre de ne pas ĂŞtre dociles entre les
mains de Dieu.
Le défi est le suivant :
uniquement unis à Dieu, en Jésus-Christ, nous pouvons être de véritables
artisans de notre histoire. Dieu est le maître de l’Histoire, le Christ est la
Pierre angulaire de toute civilisation, c’est en Lui seul qu’elle possède
consistance. Alors, je vous dirais : frères, donnons-nous le but – par
amour à la patrie – de nous mettre au côté du Christ et de réfléchir sur ce
qu’est la volonté de Dieu pour ma vie. Puissent, Dieu, tous, et même ceux qui
avec une sensibilité évidente du social, du politique, vont par des chemins
équivoques, nous disions ce que le Christ disait : « Sans moi, vous
ne pouvez rien faire. » Unissons-nous au Christ. En Jésus-Christ nous pouvons
tout, comme disait saint Paul : « Je peux tout en Celui qui est ma
force, mon espérance, mon orientation, le sens de ma vie. » Sans le
Christ, la vie humaine est absurde, c’est convertir l’homme en chacal, en
fauve, en démon. Combien triste est l’homme séparé du Christ, éloigné de Dieu!
La figure centrale de l’Évangile (Mc
7,31-37) d’aujourd’hui est le Christ et le sourd-muet.
Le Christ face au sourd-muet. Le
sourd-muet est l’image de l’homme réduit en esclavage, marginalisé : qui
n’entend pas, qui ne parle pas, qui ne peut pas communiquer. Il est
l’expression d’un véritable esclavage. Le Christ, en lui touchant les oreilles
et la langue, le libère.
Les deux autres lectures exposent
l’image de l’esclavage.
Il y a un complément dans ces autres
lectures. Il y a une image triste de l’esclavage : le désert! Les Bédouins
disent, lorsqu’ils traversent le désert et entendent au loin le rugissement du
vent : « Écoutez le bruit du vent! C’est le désert qui se lamente et
pleure parce qu’il voudrait être un jardin! » Je crois qu’il n’existe pas
de figures plus éloquentes du besoin de l’être humain que le désert assoiffé,
immensité de sable, stérile, figure de la véritable nécessité d’indépendance,
de promotion.
Le mendiant marginalisé par le
puissant – le serviteur du puissant.
Il y a une autre figure dans la
seconde lecture d’aujourd’hui (Jc 2,1-5) dont saint Jacques, l’homme pratique,
nous parle : le mendiant qui arrive à une cérémonie liturgique et au même
moment un autre homme bien vêtu auquel on dit de s’asseoir en avant tandis
qu’au pauvre on demande de s’asseoir par terre. Ce sont là deux figures de
l’exclusion, de l’esclavage, le mendiant marginalisé et le serviteur plus
attentif à l’homme bien nanti qu’au frère pauvre. Ce sont là les figures des
lectures d’aujourd’hui.
Plan de l’homélie :
1) Le Christ est Dieu en personne qui
vient pour libérer l’être humain
2) C’est l’humain tout entier qu’Il
veut sauver
3) Le Salut que le Christ nous
apporte n’est pas une destruction, c’est une rénovation
Je crois que c’est là l’essentiel que
nous pouvons extraire des lectures d’aujourd’hui, si opportunes pour ce moment
tragique qui devient chaque jour plus sanglant. Ayons la sérénité et avec foi
entrons dans cette réflexion de la Parole de Dieu. Comme complément, comme
d’habitude, nous verrons comment cela se réalise dans l’Église de notre
archidiocèse et dans la situation actuelle de notre pays. 09/09/79, p.231-233,
VII.
1) Le Christ est Dieu en personne qui
vient pour libérer l’être humain
La Prophétie (Is 35,4-7a)
Combien belle apparaît cette
prophétie du prophète Isaïe devant les exilés de Babylone (Is 35,4) :
« Soyez forts, ne craignez pas; voici votre Dieu. C’est la vengeance qui
vient, la rétribution divine. C’est lui qui vient nous sauver. » C’était
cela la foi, la merveille incroyable que les prophètes annonçaient. Non plus
seulement les prophètes vont diriger, disaient ces hommes qui parlaient au nom
de Dieu, mais c’est Lui en personne qui vient. Et ce qu’Il nous envoie vous
dire ce n’est rien d’autre que de préparer les chemins du Seigneur. Préparer
les cœurs, afin que lorsqu’Il arrivera en personne, Il puisse rencontrer une
véritable terre nouvelle où sa Parole puisse produire des fruits.
A) Contexte de la prophétie :
besoin de libération
La captivité à Babylone
Le contexte oĂą ces paroles sont
prononcées est la captivité à Babylone. À cause des péchés de la Terre promise,
les envahisseurs s’étaient emparés des rois et des populations et les avaient
cruellement emportés en exil. C’est dans cette situation qu’ils se trouvaient.
Il existe des psaumes qui nous relatent la tristesse, la nostalgie de vivre
loin de la patrie. Ce
précieux psaume (137 (136)) des peupliers auprès des fleuves de Babylone qui
ont inspiré tant de musique et de poésies, exprime à la perfection la nostalgie
de celui qui aime sa patrie, mais qui reconnaît que par ses péchés il a été
amené au désert où il attend le jour du pardon de Dieu (Ps 137,1-5) :
« Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous
souvenant de Sion. […] Et c’est là qu’ils nous demandèrent, nos geôliers, des
cantiques, nos ravisseurs, de la joie : “Chantez-nous, disaient-ils, un
cantique de Sion.” Comment chanterions-nous un cantique de Yahvé sur une terre
étrangère? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche! Que ma langue
s’attache à mon palais! »
Lâche de cœur
Cet amour Ă la patrie nous fait
penser, précisément, à ce qu’Isaïe nous a dit (35,4-5) : « Dites aux
cœurs défaillants […]. Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et les
oreilles des sourds s’ouvriront. » L’être humain a besoin de cette
Présence de Dieu, voyez comment est notre destinée sans Dieu, vivre sous
l’oppression. L’oppression de la peur, des lâches de cœur. Combien sont-ils en
notre pays, ces lâches de cœur, peureux, inquiets? Ce sont là des signes que
nous avons besoin de libération, c’est le désert qui gémit et pleure, voulant
être un monde meilleur. Mais un signe encore plus évident de la nécessité de
libération, c’est l’infirmité. C’est pour cela qu’il y aura toujours des
infirmes en ce monde, des aveugles, des sourds, des paralytiques, les hĂ´pitaux
seront toujours nécessaires, souvent parce que les hommes sont cruels et les
rendent nécessaires.
Comme il est triste de lire qu’au
Salvador les deux principales causes de mortalité sont la diarrhée et
immédiatement derrière, l’assassinat, on meurt par homicide ou à cause des
conséquences de lésions. C’est ce que nous révèlent les statistiques. De sorte
qu’immédiatement après le signe de la malnutrition, la diarrhée, vient le signe
du crime, l’assassinat. Ce sont les deux épidémies qui tuent notre peuple.
C’est le contexte dans lequel Isaïe parle, et parleraient les hommes
d’aujourd’hui : « Cœurs défaillants, infirmes – signal de
l’oppression, victime de la situation –, courage, Dieu viendra en personne.
Regardez votre Dieu qui vient. »
La prophétie : figure de santé
pour les infirmes, figure du désert qui fleurit
C’est le beau parallèle de l’Évangile
de saint Marc (7,31-37) que nous avons lu aujourd’hui avec la prophétie d’Isaïe
qui nous annonce comme la présence de Dieu, comme une action de Dieu, la
floraison du désert, la santé des infirmes. C’est ainsi que les prophètes se
représentaient les signes de la présence personnelle de Dieu dans le
monde : les biens messianiques. Les prophètes ne parvenaient pas à bien
les distinguer parce qu’ils devinaient de loin, d’une distance énorme, les
biens déjà présents de la Rédemption et les biens eschatologiques. Lorsque se
terminera l’Histoire et que seront recueillis tous les fruits que le Christ a
produits, alors, il n’y aura plus de crimes, il n’y aura plus de morts, mais en
attendant, se rendent dĂ©jĂ prĂ©sents les biens messianiques. Nous pouvons dĂ©jĂ
affirmer que le désert est en fleur et que les infirmes ont été guéris. Le
Christ Lui-même nous a donné les signes évidents lorsque saint Jean-Baptiste
lui fit demander (Lc 7,20) : « Es-tu celui qui doit venir ou
devons-nous en attendre un autre? » Le Christ répond seulement par les
signes annoncés (Lc 7,22) : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez
vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux
sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est
annoncée aux pauvres. »
Ils aperçoivent déjà les signes de la
santé, Dieu est venu, Il est déjà parmi nous. Même si nous continuons
d’apercevoir la bannière de la mort qui passe et le crime, qui se nourrit aussi
du sang, la mort et le péché sont déjà vaincus. C’est un peu comme une de ces
baleines blessées qu’on remet à la mer, mais elle est blessée, elle va mourir.
« Le dernier ennemi à être vaincu sera la mort », nous dit saint
Paul. La mort est déjà blessée à mort et les morts vont s’échapper de la tombe. Que les pécheurs
ne chantent pas victoire parce qu’ils sont déjà vaincus. Le péché, le Christ
l’a crucifié sur sa propre croix et celui qui croit en Jésus-Christ possède
déjà la victoire. C’est
pourquoi, aux cœurs qui défaillent, nous disons que Dieu est déjà parmi nous,
infirmes, patience, cela passera; opprimés, convertissez en Rédemption votre
souffrance et votre douleur. Cela ne signifie pas l’opium du peuple, sinon la
lutte légitime, mais sans perdre l’espérance du Dieu qui est déjà présent, sans
s’éloigner de Lui et des orientations que le Dieu de l’Histoire continue de
nous donner. 09/09/79, p.233-235, VII.
B) Présence et mission du Christ
La présence même du Christ dans
l’Évangile d’aujourd’hui (Mc 7,31-37). L’Évangile de saint Marc possède
justement ses traits typiques qui ne sont pas le moindre des enseignements que
le Christ nous présente. Parce que ce qui pour lui apparaît important, ce n’est
pas tant la doctrine du Christ que la personne du Christ qui incarne le Règne
de Dieu présent sur la
Terre. Il est merveilleux de penser que l’Évangile de saint
Marc, que nous lisons cette année, année de tragédies pour le Salvador, nous
dit ce qu’Isaïe annonçait dans sa prophétie qui est réalisée en Jésus-Christ.
Et tous ceux qui croient en Jésus-Christ sont déjà rachetés, il n’est plus
nécessaire d’être lâche, d’avoir peur. Il est temps pour nous, chrétiens, de
fortifier notre courage afin de ne plus être lâches. Ne nous laissons pas
déprimer par les circonstances, mais au contraire, appuyons dans le Seigneur,
déjà présent dans l’Histoire, notre faiblesse, notre désorientation. À la
manière des aveugles et des sourds, serrons la main de Jésus. Il va nous
conduire à la victoire, la lumière viendra à nos yeux, apparaîtra la clarté de
notre propre histoire salvadorienne. Lui seul peut nous donner la véritable
indépendance.
La foi dans Notre Seigneur
Jésus-Christ glorieux… les pauvres… critères de Dieu et des hommes
La seconde lecture (Jc 2,1-5) nous
parle également de cette Présence lorsque saint Jacques dit aux chrétiens
(2,1) : « Mes frères, ne mêlez pas à des considérations de personnes
la foi en notre Seigneur Jésus Christ glorifié. » Il est inconcevable que
quelqu’un se dise chrétien et qu’il ne fasse pas, comme le Christ, une option
préférentielle pour les pauvres. C’est un scandale que les chrétiens d’aujourd’hui
critiquent l’Église parce qu’elle pense aux pauvres. Cela n’est pas le
christianisme! Le christianisme véritable est le Christ qui dit, au travers de
Jacques, le christianisme : « Cela est inconcevable, si vous avez la
foi dans le Seigneur Jésus-Christ glorifié, traitez comme des frères égaux le
riche et le pauvre, ne vous laissez pas tromper par les apparences. »
C’est que plusieurs pensent que
lorsque l’Église dit : « pour les pauvres », elle devient
communiste, qu’elle fait de la politique. Non, c’est sa doctrine de toujours. La
lecture d’aujourd’hui ne fut pas écrite en 1979, saint Jacques a écrit il y a
vingt siècles, ce qui se passe c’est que les chrétiens d’aujourd’hui ont oublié
les Écritures qui doivent régir leur vie.
Quand nous disons « pour les pauvres »,
nous ne prenons pas parti en faveur d’une classe sociale. Ce que nous disons,
dit Puebla, c’est une invitation à toutes les classes sociales sans distinction
de pauvre ou de riche. Nous disons à tous : « Prenons au sérieux la
cause des pauvres comme s’il s’agissait de notre propre cause; plus encore,
comme cela est en vérité, de la cause du Christ qui au jour du jugement final
nous dira que seuls se sauveront ceux qui ont aidé le pauvre en ayant foi en
Lui : “Tout ce que vous avez fait à ces pauvres marginalisés, à ces
aveugles, à ces handicapés, à ces sourds, muets, c’est à moi que vous l’avez
fait.” » Il nous donne l’exemple : que sa Présence, qui vit encore,
grâce à Dieu, et une Église qui tente de se rénover malgré la persécution et
l’incompréhension, continuera d’être la même politique de Dieu. C’est cela, la
politique véritable : celle qui traite les êtres humains non pas comme des
hommes de première et de seconde catégories, sinon celle qui dit :
« Vous ne pouvez faire exception de personne en celui qui croit dans le
Seigneur Jésus-Christ glorifié, incarné dans la misère des hommes. »
09/09/79, p.235-236, VII.
2) C’est l’humain tout entier qu’Il
veut sauver
C’est une parole des derniers
documents de l’Église, surtout, dans le Concile Vatican II et dans l’encyclique
Populorum Progressio du Pape Paul VI,
où il dit : « C’est l’homme tout entier qu’Il est intéressé à sauver,
âme et corps, cœur et esprit, transcendance et temporalité. »
A) Les esclavages
Lamentablement, très chers frères,
nous sommes le produit d’une éducation spiritualiste, individualiste. C’est une
éducation qui nous a enseigné à vouloir sauver notre âme sans nous préoccuper
des autres. Comme nous disions à celui qui souffrait : « Patience, le
Ciel s’en vient, endure. » Non! ce ne peut être cela, cela ce n’est pas
sauver, ce n’est pas le Salut que le Christ nous a apporté. Ce Salut est le
Salut de tous les esclavages qui oppriment l’homme. Nous disions, dans les
lectures d’aujourd’hui, quels sont ces esclavages : figures dans le
désert, dans l’accueil des personnes, dans les critères du monde qui prévalent
dans nos relations sociales. Il est nécessaire que l’être humain qui vit sous
le signe d’autant d’oppressions et d’esclavages – la peur qui rend les coeurs
esclaves; l’infirmité qui opprime les corps, la tristesse, la préoccupation, la
terreur qui opprime notre liberté et notre vie – rompe toutes ses chaînes.
C’est par là qu’il nous faut commencer! Cela ne vous semble pas un esclavage
qui vraiment humilie : ĂŞtre servile? De sorte que pour demeurer bien avec
les puissants il faille humilier les humbles…
B) La libération dans le Christ
Dieu apporte la revanche
Regardez comment on annonce, dans la
première lecture (Is 35), la libération que Dieu apporte : « Dieu
vient en personne, Il apporte la revanche, Il dédommagera, Il donnera la santé
aux corps, Il fera fleurir le désert. » Quelle phrase magistrale pour
penser ce qu’est la véritable libération que Dieu veut : la revanche! Ce
n’est pas une vengeance d’égoïsme, c’est remettre les choses à leur place,
c’est leur dire : tous sont frères, il n’est plus nécessaire que certains
humilient les autres. La revanche de Dieu sera son amour, puissent les hommes
et les femmes le comprendre.
Il dédommagera
Comme lorsqu’on a offensé quelqu’un
et qu’on vient pour dédommager, pour réparer, pour demander pardon. Le Christ
vient, précisément, pour cela, pour demander pardon au Père parce que les
humains l’ont offensé avec autant de terreurs et d’oppressions qui ne sont pas
la foi en Dieu. Quand le Christ meurt sur la croix Il dédommage, Il
apporte la revanche. Ce
sont lĂ les revanches de Dieu, ce sont lĂ les revendications que Dieu veut,
celles qui s’appuient sur la libĂ©ration de notre cĹ“ur du propre pĂ©chĂ©. C’est lĂ
que se situe la cause, et tous ceux qui crient, qui parlent et qui réalisent
des œuvres de libérations, mais en opprimant, en tuant, en faisant le mal,
n’ont pas compris que la véritable violence qui sauve est celle que chacun se
fait à soi-même. Dédommager Dieu pour mes péchés à partir de mon propre cœur.
Cet homme total (que le Christ veut
sauver) possède une dimension transcendante et une dimension historique. C’est
pourquoi dans ce geste du Christ, j’aimerais souligner les dimensions
suivantes.
C) Mission transcendante
En premier lieu : le Christ se
préoccupe d’un sourd-muet, s’il s’agissait vraiment d’une spiritualité
individualiste ou égoïste, Il aurait passé son chemin comme le prêtre de la
parabole, sans faire de cas du pauvre sourd-muet; cependant, Il s’y attarde et
avec la patience de celui qui administre un sacrement Il accomplit ces gestes
sacramentaux : Il lui met les doigts dans les oreilles et avec sa salive
Il lui touche la langue.
Voyez la puissance du corps du Christ. Le Christ c’est Dieu
en personne, incarné dans un corps humain, et tout ce que le Christ touche
possède la puissance de Dieu. Les doigts du Christ, des doigts d’homme comme
les miens, mais à l’intérieur de Lui il y avait ce que je n’ai pas en
moi : la Personne
Divine du Fils de Dieu. Toucher l’infirmité et la guérir! Il
aurait pu aussi bien faire fleurir le désert tout comme Il a calmé les eaux et
les tempĂŞtes.
Il y a une grande puissance en Dieu.
C’est pourquoi à ce sourd-muet, auquel Jésus ne pouvait peut-être pas parler
parce qu’il ne l’entendait pas, d’un geste Il a tout dit : lui touchant
les oreilles et la langue, en levant les yeux au Ciel, et en soufflant sur lui.
Ce sont des gestes qui parlent même aux sourds-muets : les signes de la libération. Il
lui dit : « Tu possèdes une destinée transcendantale : le Ciel.
Moi-mĂŞme Je viens de lĂ . Combien doux devait ĂŞtre ce regard du Christ envers
son Père : l’infinité avec Dieu. Ce sont là les véritables libérateurs,
les hommes qui n’oublient pas que Dieu seul est la destinée (ultime) de la
libération humaine. » Des hommes et des femmes qui savent prier et qui
savent élever, jusqu’à ceux qui ne le comprennent pas, le sentiment de Dieu.
C’est cela la dimension de toute Rédemption. À quoi aurait-il servi au pauvre
sourd-muet que Dieu lui donne une langue et une ouïe bien claire si après il ne
s’en est pas servi pour Dieu et qu’il s’est condamné? À quoi sert toute la
beauté du monde, à quoi sert tout l’argent sur la Terre, à quoi cela sert-il de
posséder beaucoup si cela n’est pas transcendant? C’est cela la promotion que
le Christ veut de l’homme dans sa dimension transcendante.
D) Dimension historique
Mais cela ne signifie pas que l’homme
soit seulement cette transcendance, mais que ce dont nous avons le plus besoin
aujourd’hui c’est cette dimension historique. Parmi les nombreux services que
l’Église rend au Salvador, j’aimerais souligner celui-ci dont je parle dans ma
lettre pastorale : « Promouvoir la libertĂ© intĂ©grale de l’homme Ă
partir d’un concept de ce qu’est la personne humaine », un concept intégral
que le Pape (Jean-Paul II) à Puebla qualifiait ainsi : « L’humain est
le premier chemin que l’Église doit parcourir pour accomplir sa mission. La
personne humaine est le chemin principal et fondamental de l’Église. »
Il s’agit d’un homme concret, historique,
tel qu’il vit aujourd’hui. Et pour cela, les pères, à Puebla, nous avons tenté
de voir l’homme latino-américain et c’est à partir de là que je déduis ce
qu’est l’homme salvadorien, nous autres, que je visitais dans les bidonvilles,
qui vit là dans la misère, dans la pauvreté et dans la faim. C’est à lui que nous
devons annoncer : « Il est certain que nous n’avons pas d’or ni
d’argent, mais voulons donner ce que nous avons : le nom de Jésus de
Nazareth, lève-toi et marche. » Réalisez-vous, nous ne voulons pas
d’hommes qui ne soient que la masse impassible, nous ne voulons pas des hommes
qui se laissent manipuler, nous voulons des gens qui soient de véritables
images de Dieu qui, même s’ils vivent dans les bidonvilles, dans les campagnes,
soient respectées.
« Cet idéal, dis-je dans ma
lettre pastorale, recueille toutes les dimensions de la réalité de l’homme,
sans en exclure aucune, ni réduire la foi à une simple promotion sociale ou
politique. » Néanmoins, nous devons aujourd’hui souligner la dimension
sociale et historique de cette libération telle que le demande Puebla qui
dit : « l’Évangile que nous devons enseigner, devant les réalités que
nous vivons, ne peut aujourd’hui, en Amérique Latine, prétendre aimer en vérité
l’être humain et tout autant Dieu, sans s’engager d’une manière personnelle et,
souvent mĂŞme, au niveau des structures, au service et Ă la promotion des
groupes humains et des couches sociales les plus appauvries et humiliées, avec
toutes les conséquences qui s’ensuivent sur le plan de ces réalités
temporelles. »
Ainsi, la dimension humaine est
transcendante, mais également historique, temporelle, concrète. C’est cet être
humain qui est appelé au Salut éternel, mais qui aujourd’hui se meurt de faim
et qui ne reçoit pas le salaire qu’on lui doit. C’est cette personne qui
possède une vocation au Ciel, mais qui a été également créée par Dieu pour être
heureuse sur la Terre. C’est
elle qui sera mon frère, ma sœur, dans l’éternité avec toute l’humanité, mais
pour cela nous devons dès maintenant apprendre à vivre en frère sur la Terre,
non pas en nous haĂŻssant ni en nous entre-tuant.
Le destin des pauvres : riches
dans la foi
Quand le Christ, au travers de saint
Jacques, dit qu’il ne faut pas déprécier le pauvre pour préférer le riche, il
pose une exigence qui pourrait servir d’examen de conscience à chacun d’entre
nous (Jc 2,4-5) : « Ne portez-vous pas en vous-mêmes un jugement, ne
devenez-vous pas des juges aux pensées perverses? Écoutez, mes frères
bien-aimés : Dieu n’a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme
riches dans la foi et héritiers du Royaume qu’Il a promis à ceux qui
l’aiment? » Il ne suffit pas d’être pauvre, il faut aussi aimer Dieu, être
pauvre dans la grâce de Dieu. C’est que les pauvres, dirent l’Église et la révélation
divine, possèdent une plus grande capacitĂ© que les autres classes sociales, Ă
percevoir le message et la RĂ©demption de JĂ©sus-Christ.
C’est pourquoi nous ne pouvons faire
abstraction de la dimension temporelle, terrestre, mais Ă©galement Ă partir de la conversion. Parce
qu’il dit : « Qu’il les a choisis pour les rendre riches dans la
foi! » Par leur amour à Dieu, ils savourent déjà un destin éternel où Dieu
les garde dans sa préférence, ici, sur la Terre. Très
chers pauvres, vous êtes la majorité de ceux qui se trouvent ici pour
participer à cette méditation, parce que je veux me compter également parmi les
pauvres. Parce que je sais que c’est seulement par ce chemin et dans ce
contexte que nous pouvons nous retrouver en vérité, avec sincérité et authenticité.
Tâchons d’être dignes de cette préférence de Dieu. Soyons pauvres, dignes de ce
Dieu qui nous rend riches dans la foi et riches dans l’amour du Seigneur. C’est
cela notre richesse : n’en cherchons pas d’autres pour notre développement
tant personnel qu’historique. Parce que je ne veux pas être, comme quelqu’un a
dit dans le Bloc Populaire RĂ©volutionnaire, un opium.
Jamais! je dis que, précisément, ces
promotions de la transcendance sont pour encourager davantage la promotion de
la dimension historique et sociale, de l’économique et du politique. Je suis en
train de dire que Dieu n’a pas seulement fait le Ciel après la mort pour l’être
humain, sinon qu’Il a fait cette Terre pour tous. Cela n’est pas de l’opium!
Intériorité… Le prenant à part
Il y a un détail que je voudrais que
nous approfondissions, non pas tant dans le temps que dans l’intensité de notre
réflexion. Quand le Christ se préoccupe de faire la promotion de ce sourd-muet,
l’Évangile nous dit (Mc 7,33) : « Le prenant à part. » Quel geste
plus significatif en cette heure! Saint Marc, fidèle à son idéal théologique,
nous présente un Christ qui porte le mystère du Règne de Dieu, mais que le
peuple ne peut pas comprendre. C’est pourquoi Il tente de cacher beaucoup de
choses qui pourraient le faire briller. À ces intimes – les apôtres – Il fait
souvent le reproche de ne pas faire leur possible pour comprendre cette
intimité. Mais devant le peuple, Il est encore bien plus réservé parce qu’à son
heure Dieu dira la parole dont le peuple a besoin pour reconnaître le Fils de
Dieu.
Mais à part ce sens théologique du
Règne de Dieu caché comme un mystère en Jésus-Christ, et c’est pour cela qu’Il
met de côté le sourd-muet, je voudrais voir cet autre aspect : « la
multitude », le bruit du monde, les cris des marchands, la musique de
stentor, tout cela étourdit. Il existe seulement un endroit où l’homme puisse
rencontrer Dieu et oĂą le Christ puisse faire les gestes de transcendance et
d’amour au pauvre sourd : dans la solitude et l’intériorité. Frères, aujourd’hui
il existe de nombreux bruits, des prises d’églises et avec le bruit de ceux qui
parlent tant qu’ils fatiguent la population, manifestations, fusillades, cris.
Tout cela ne sauve pas si cela n’apporte pas un fond d’intériorité, de
réflexion, de planification; c’est trop, cela nous anéantit davantage.
Le Concile dit, ce qui manque au
monde d’aujourd’hui, ce ne sont pas seulement des techniciens des arts, des
sciences, des choses exactes, ce qui fait surtout défaut ce sont des
techniciens en humanité. Ce qui manque aujourd’hui à la civilisation c’est la
sagesse, la
réflexion. C’est pourquoi je demande à tous, comme un
mendiant, de prier, de beaucoup prier pour l’Église. Réfléchissons. Et s’il est
certain qu’ici j’utilise également un micro, cela est nécessaire pour la
communication, c’est pour transmettre un message de réflexion, de sérénité, de
paix, mais aussi de justice et de dénonciations, non pas pour faire de la
démagogie.
Retenez bien cette phrase de Pie IX,
un Pape qui avait des phrases courtes et incisives, qui pourrait bien ĂŞtre le
commentaire de ce geste du Christ : « Le prenant à part, Il le
guérit. » Ce Pape disait donc : « Le bien ne fait pas de bruit
et le bruit ne fait pas le bien. » 09/09/79, p.236-241, VII.
3) Le Salut que le Christ nous
apporte n’est pas une destruction, c’est une rénovation
Ce n’est pas un Salut qui détruit,
mais un Salut qui rénove, qui refait, qui fait du neuf.
Le Christ, l’homme qui refait.
Quand le prophète Isaïe, que nous
avons lu aujourd’hui, annonce le caractère du Messie dans la figure mystérieuse
du Serviteur de Yahvé, il dit cette phrase que plusieurs ne comprennent pas (Is
42,3) : « Il ne brise pas le roseau froissé, Il n’éteint pas la mèche
qui faiblit, fidèlement, il présente le droit. » Phrases merveilleuses
pour dire que le Christ n’est pas l’homme irascible qui, aussitôt qu’un roseau
s’est froissé, finit de le casser et le jette au loin. Sinon que, avec la
mansuétude d’un médecin, Il le redresse, le répare et ainsi nous avons un bon
roseau. Il n’éteint pas le feu parce qu’il demeure encore une braise parmi les
cendres. Avec patience, il Ă©carte la cendre et commence Ă souffler, lui met un
peu de brindilles, un peu d’herbes sèches, de petits bois et, le feu recommence
à brûler. C’est cela la comparaison du Christ, l’homme qui refait.
Appel aux pécheurs
Qu’est-ce que fait le Christ parmi
les sourds, les muets, les lépreux et les pécheurs? Les hypocrites lui
reprochent : « Regardez, votre maître mange avec les pécheurs et
c’est interdit par la loi. » « Hypocrites, leur dit le Christ, ce ne
sont pas les gens en santé qui ont besoin d’un médecin, mais les malades. Je ne
suis pas venu pour appeler les justes, ceux-ci marchent déjà vers le ciel, je
suis venu pour appeler les pécheurs. » Il est important de savoir regarder
à l’intérieur de soi pour reconnaître que j’ai besoin du Christ. Parce que
celui qui croit qu’il n’a pas besoin du Christ, ni du Pape, ni de l’évêque, ni
de l’Église, est un orgueilleux. Il est un de ceux dont la Vierge dit dans le Magnificat
(Lc 1,51-52) : « Il a dispersé les hommes au cœur superbe […] et a
élevé les humbles. »
Le Christ est l’homme qui refait
l’histoire de son propre peuple. On dirait que les défaites humaines, le reste
d’IsraĂ«l, la plante qui est sur le point de se briser, le Christ la recueille Ă
temps et la relève et c’est de là que provient le Salut du monde.
Il s’incarne et se fait l’un des
nĂ´tres.
Qu’est-ce que l’Incarnation?
« Dieu, dit saint Paul, n’hésita pas à abandonner sa dignité de Dieu pour
se faire semblable à nous. » Plus encore, esclave jusqu’à la mort, sur une
croix comme mouraient les esclaves. Les citoyens romains ne rendaient jamais
une sentence de crucifixion contre un des leurs. Cela était indigne d’un
citoyen libre de Rome de mourir crucifié. Mourir crucifié était la sentence
réservée aux esclaves, aux bandits, aux gens indignes, aux rebuts de la société. C’est
cette mort que le Christ accepta, celle d’un bandit. C’est pourquoi les
premiers chrétiens avaient tant de difficultés à se représenter le Crucifié
parce qu’ils disaient : si cet homme est mort ainsi, il n’est pas digne
d’être adoré. C’est ainsi que le Christ détruisit sa propre dignité,
précisément pour pénétrer au plus profond, où était tombée la dignité humaine,
afin de la relever. « C’est pourquoi, poursuit saint Paul, Dieu l’exalta
et Lui donna un Nom au-dessus de tous les noms, de sorte que devant son Nom
fléchissent tous les genoux dans le Ciel, dans les abîmes et sur la
Terre. » C’est cela, notre espérance, le Christ qui s’incarne et qui se
fait l’un des nôtres. Nous devrions assumer, très chers frères, notre humanité
en tant que telle.
Bienheureux le Salvadorien qui en ces
heures n’a pas honte de sa patrie, mais l’assume, non pas pour l’empirer, mais
pour la refaire! Bienheureux le Salvadorien qui en ces jours, en ce mois de
l’indépendance, reconnaît : tout n’est pas glorieux dans ma patrie.
L’hymne national que nous chantons sonne souvent comme un sarcasme horrible,
néanmoins, je veux que cet hymne soit chanté un jour pour le futur auquel je
dois contribuer dans le sens de la promotion humaine dans toutes ses
dimensions.
JĂ©sus ressuscita et par sa
résurrection Il est devenu l’homme qui donne la vie éternelle. Depuis le jour
où le Christ est sorti glorifié de sa tombe, a commencé la nouvelle Histoire
de l’humanité. Et les peuples peuvent sentir sa Rédemption dans la mesure où
ils croient en cette Vie éternelle ressuscitée en Jésus-Christ. « Déjà ,
dit le Concile, la transformation du monde commença en Jésus-Christ
ressuscité. » L’Église a cet engagement de continuer de prêcher, dimanche
après dimanche, et à chaque messe : « Nous annonçons ta mort, nous
proclamons ta résurrection. Viens Seigneur Jésus! »
En résumé, ma réflexion a été
celle-ci : Dieu vient en personne pour nous sauver. La promotion que le
Christ veut réaliser de l’être humain c’est tout l’homme dans sa dimension
transcendante, dans sa dimension historique, dans sa dimension spirituelle,
dans sa dimension corporelle. C’est l’homme tout entier qu’il faut sauver.
L’homme dans ses relations sociales, l’homme qui ne doit pas se considérer plus
que l’autre, mais tous frères et avec une attention spéciale envers le plus
faible et le plus nécessiteux. C’est l’être humain intégral que l’Église veut
sauver. C’est une mission difficile! C’est pourquoi on qualifie souvent
l’Église de subversive et de communiste, de révolutionnaire, mais l’Église sait
quelle est sa révolution : celle de l’amour de Jésus-Christ. Et parce que
la révolution de l’Église est la même que celle du Christ, ma troisième
réflexion a porté sur le fait qu’Il ne vient pas pour détruire, mais pour
refaire, à partir de la propre faiblesse et de la misère humaine, c’est
pourquoi Il appelle Ă la
conversion. Parce que si celui qui entend est un criminel,
demain il peut ĂŞtre un apĂ´tre. Comment est-ce que le Christ refit saint Paul,
le persécuteur? Une autorité ecclésiastique drastique devrait lancer
l’excommunication contre ce Saul. Mais le Christ qui n’éteint pas la mèche
fumante lui envoie un directeur spirituel, le baptise, l’envoie au désert
réfléchir et Il en fait une personne nouvelle. L’apôtre peut ainsi dire :
« Je ne suis pas digne de m’appeler apôtre parce que j’ai persécuté
l’Église. Mais la grâce de Dieu ne fut pas vaine en moi. » Comme j’aimerais,
en ce jour, que tous ceux qui aujourd’hui sèment la terreur comme SaĂĽl Ă
Jérusalem et en Terre Sainte se convertissent. Après cette profonde réflexion,
comme je voudrais que ceux à qui on a commandé d’aller tuer des gens ou bien
ceux qui donnent les ordres de tuer ou ceux qui exécutent ces ordres pour de
l’argent réfléchissent un peu : que vais-je faire? Je crois que plusieurs
changeraient d’idée. 09/09/79, p.241-243, VII.
La Mission du Christ aujourd’hui dans
son Église
C’est pourquoi je vais tenter
d’appliquer maintenant, à notre propre histoire, ces caractéristiques de la
Parole de Dieu. Je vous inviterais au désert du monde ensanglanté, douloureux,
des cœurs tremblants. Tout cela nous parle de la nécessité de libération.
L’Église peut donner la libération à ce monde parce de ce monde surgit comme le
gémissement du désert. Ce ne sont pas des manifestations chrétiennes, mais je
lis dans les journaux certaines réclamations, certaines pétitions. C’est le
désert qui gémit et il faut entendre ces voix. L’Église y voit les pousses de
l’Esprit saint qui s’exprime également au travers du monde profane. L’Église
qui porte la force de l’Esprit saint, si elle s’allie à ces cœurs nobles du
monde, pourrait faire fleurir notre désert.
Quelle est l’Église? Efforçons-nous
que cette Église que je vais vous décrire maintenant, l’Église de
l’archidiocèse et l’Église universelle, ne soit pas confondue avec le peuple en
général du Salvador, sinon que par la sélection que le Christ a effectuée par
le baptême pour former l’Église. Ne confondons jamais, très chers frères,
l’Église peuple de Dieu avec le peuple salvadorien, la patrie. Ce sont là des
choses distinctes mĂŞme si un mĂŞme homme peut ĂŞtre Salvadorien et membre du
peuple de Dieu, mais ce sont là deux aspects de sa personnalité : comme
membre de l’Église il doit être un homme qui croit, qui espère, qui place toute
sa confiance en Jésus-Christ Notre Seigneur. Il participe à une Église toujours
plus compréhensive et au service du monde, sans trahir sa propre identité, il
ne se vend pas pour des avantages terrestres ses idéaux chrétiens. C’est cela
l’Église concrète de laquelle je vous donne ces nouvelles. 09/09/79, p.243,
VII.
Naturellement, la Parole de Dieu
contient quelque chose d’explosif et c’est pourquoi peu de gens acceptent de la porter. S’il s’agissait
de dynamite mouillée, plus personne n’en aurait peur. C’est pourquoi la
rédaction prend le soin d’écrire et de publier Orientación qui oriente vraiment dans le vrai sens de la vie de
l’Église. Une Église qui par ses moyens de communication veut promouvoir la
dimension historique, doit s’attendre à rencontrer des réticences dans
l’Histoire.
La dimension transcendantale ne
suffit pas, même il est très beau de parler et d’écrire sur les choses
transcendantes. L’historique et le transcendant en équilibre, c’est ce que nous
tentons de faire à travers nos moyens de communications sociales. C’est
pourquoi je tente de faire de l’homélie du dimanche, qui est retransmise sur
les ondes de la radio YSAX,
le moment fort de l’évangélisation de notre archidiocèse. 09/09/79, p.247, VII.
Pensée qui nous conduit à l’autel
C’est cela l’Église et le panorama où
elle développe sa mission. Puissent, Dieu, que nous nous engagions tous par
cette eucharistie, unis au Christ libérateur, à nous importer de ce qui importe
vraiment au Christ. Celui qui est venu en personne pour nous sauver, pour
sauver l’homme tout entier, dans sa dimension transcendantale et dans sa
dimension historique.
La méthode qu’Il emploie pour nous
sauver n’est pas négative, mais très positive, elle ne détruit rien, mais elle
refait. Aujourd’hui précisément c’est ce que nous allons faire. Sur l’autel du
sacrifice eucharistique, nous avons la présence du Christ mort et ressuscité.
C’est là que commença l’histoire de la restauration. Tout
homme, aussi pécheur et traître qu’il ait été, quand il s’incorpore à cette
mort et à cette résurrection, devient un élément utile pour la patrie. Puisse Dieu,
entendent-ils cet appel, ceux, qui jusqu’à cette heure n’ont fait que semer le
sang, la désolation, la mort, la douleur et le crime. Il est déjà temps qu’ils
se convertissent et qu’ils vivent. L’Église les aime trop, Dieu les aime trop
pour les laisser continuer tranquillement par ces chemins de sang et de
violence. 09/09/79, p.252, VII.